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L’Iran à fleur d’émeutes, en 2004

 

 

I – Une année riche en événements

L’Iran est un « gros chat » adossé au nord à la mer Caspienne et reposant au sud sur le golfe Arabo-Persique. Le gros chat se profile tournant le dos au Turkménistan, à l’Afghanistan et au Pakistan, à l’est, avec la tête orientée vers l’Iraq et la Turquie, à l’ouest, et les oreilles chatouillant l’Arménie et l’Azerbaïdjan, au nord. Son regard semble surplomber l’ensemble du territoire iraquien, en son sein blotti, quatre fois plus petit que le chat persan. L’Iran est, sur le plan géographique, un sas entre le monde occidental et le monde oriental ; mais sur le plan politique, depuis la révolution de 1978-1982 et l’arrivée de représentants chiites au pouvoir, cet Etat fonde la nouvelle division idéologique du monde entre Islam et Occident – division aujourd’hui beaucoup plus forte et agissante que la division spatiale Occident-Orient.

Dans la perspective de ces vingt-cinq dernières années, la révolution en Iran a quasiment disparu derrière sa récupératrice appelée contre-révolution iranienne. Le travail de sape de l’information a réussi à faire passer la contre-révolution pour la révolution et la révolution pour la contre-révolution. Ce que j’appelle révolution correspond au bouleversement qui permet de repenser l’idée du monde, de prendre le monde comme objet et de débattre à nouveau ses rouages les plus intimes, son organisation même. Ce que j’appelle contre-révolution est le moment où le débat commence à se figer dans de nouvelles règles, dans une nouvelle police, fussent-t-elles opposées aux anciennes. Mais il fallait que l’explosion initiale soit à l’échelle du monde pour qu’une nouvelle division du monde, Islam-Occident, supplante assez rapidement l’ancienne division Est-Ouest qui était née de la précédente révolution, celle de 1917-1921. L’Etat iranien représente le berceau de cette révolution, l’épicentre du tremblement de terre, et c’est pourquoi il est devenu, au-delà du nœud géographique, un nœud idéologique.

Si l’occultation de la révolution en Iran est flagrante dans l’information dominante, je pense qu’elle vaut aussi bien hors des frontières de l’Iran qu’à l’intérieur. Mais depuis la révolution, de nouvelles générations nées après l’explosion n’ont cessé de troubler l’ordre public, et révèlent les limites d’un gouvernement islamique qui n’arrive pas à canaliser l’émotion dans les traditionnelles fêtes religieuses, ou autour du « guide » de la révolution mort en 1989, l’ayatollah Khomeyni. Les médias occidentaux se sont particulièrement intéressés à la jeunesse étudiante téhéranaise, dont ils ont tâté le pouls en 1999 et en 2003, car ils ont cru y déceler des aspirations pro-occidentales qui confortaient leurs propres choix idéologiques, mais ont été beaucoup plus prudents avec d’autres formes de négativité que nous avons pu observer justement en 2004, et qui montrent que les pauvres à l’offensive ne se trouvent qu’à l’exception chez les étudiants. Presque toutes les régions d’Iran ont connu des émeutes en 2004, à l’ouest comme à l’est, au nord, au sud et au centre, dans la capitale, Téhéran, comme dans les principales agglomérations (Esfahan, Shiraz), dans les petites villes, voire même dans certaines régions peu urbanisées, comme au sud, après le tremblement de terre, ou au nord, à l’occasion de rachats de terres. L’Iran est donc une terre d’émeutes, largement labourée, et qui devrait continuer de l’être, jusqu’à preuve du contraire.

Le laboratoire des frondeurs a ouvert trente-sept dossiers d’événements pour l’année 2004 en Iran, dont seulement quatorze nous ont paru du niveau de l’émeute. Ce qui est beaucoup, car ce n’est certainement pas le reflet de l’intérêt de l’information occidentale pour les gueux de cette région du monde. Et c’est souvent le manque d’éléments, le fait que l’information se résume à un seul entrefilet, et que la source est sujette à caution – nous verrons en quoi – qui nous a poussés à être minimalistes pour les vingt-trois événements qui ne sont pas des émeutes, mais dont nous avons gardé la trace.

Pour cette analyse je n’ai donc pas seulement pris en compte les événements où nous avons repéré une émeute, car ces émeutes sont presque entièrement regroupées au cours des cinq premiers mois de l’année, et plus de la moitié d’entre elles au cours du seul mois de mars, ce qui aurait créé un déséquilibre trompeur par rapport à 2004. Car l’ensemble des événements que nous avons archivés donnent à l’inverse une impression globale de bouillonnement ininterrompu, ou presque – il n’y a que les mois de juillet et de décembre qui sont « creux » –, même si ce bouillonnement faiblit après le mois de mai. Les événements retenus qui ne sont pas des émeutes nous permettent d’avoir plus de recul sur une forme de délinquance – au sens propre – qui a cours en Iran aujourd’hui, de mieux saisir les prétextes à affrontements et la localisation de ces mêmes affrontements. A terme, nous pensons que de garder ces événements limites nous permettra d’approfondir ce saut qualitatif qui fait la particularité de la situation d’« émeute », et de mesurer en quoi ce saut qualitatif peut changer.

La liste des prétextes à affrontements en Iran est impressionnante par sa diversité et dit bien la « modernité » de ces gueux à fleur de peau qui réagissent à l’occasion de matchs de football, d’élections, de fêtes nationales, païennes, religieuses, de bavures, de promesses non tenues, de démonstrations des forces de l’ordre ou de la police des mœurs. C’est un florilège de prétextes à s’émouvoir dans le monde entier que nous avons observé.

Les émeutiers offrent la caractéristique d’être très peu iraniens, ou chiites, ou sunnites, ou kurdes, ou étudiants, même si le dada de l’information est toujours d’accoler une étiquette aux furieux anonymes qui s’en prennent aux voitures de police, au palais du gouverneur, à la maison du mollah ou aux vitrines des banques. Parfois, l’étiquette ethnique ou religieuse n’étant pas possible, les furieux sont décrits par rapport à leur métier (vendeurs ambulants ou ouvriers, paysans ou pêcheurs) ou par rapport à leur moyen de locomotion (à pied ou à motocyclette). Les armes sont les traditionnels cocktails Molotov et les caillasses, peu d’armes à feu, mais il y a quelquefois des morts parmi les policiers, comme à Fereydounkenar en mars, où des membres des gardiens de la révolution (pasdarans) et de leur milice (basijs) furent attirés dans des guets-apens et tués. Les policiers tirent le plus souvent des balles en caoutchouc, et parfois à balles réelles, comme à Kamyaran, en mai. La police utiliserait par ailleurs des chaînes pour frapper les manifestants. Par contre, nous avons repéré peu de traces de pillages, et pas du tout d’escraches ni de coupures de routes.

 

II – Une source d’information incontournable mais peu fiable

La mise à plat des sources d’information des articles archivés sur l’Iran en 2004 montre la prédominance d’une source, le SMCCDI (Comité de coordination du mouvement étudiant pour la démocratie en Iran), secondé par son alter ego, le MND Newswire, et en fin d’année par Iran Focus, plus un nombre assez restreint d’articles provenant de la presse occidentale qui a pignon sur rue : AFP, Reuters, AP, BBC news, etc. Et encore ! la plupart de ces articles nous sont parvenus par le site du SMCCDI, intitulé daneshjoo.org. Certains font référence à des propos tenus dans la presse iranienne : l’agence de presse officielle Irna (fondée en 1981, tendance Khatami, l’actuel président de la République , à la tête des réformateurs) ou l’agence de presse des étudiants Isna (fondée en 1998, très « modérée » d’après ‘Courrier international’) ; le quotidien ‘Jomhuri Islami newspaper’ (fondé en 1979 par Khamenei, l’actuel « guide », qui représente la ligne dite « dure » des conservateurs) ou le quotidien ‘Shargh’ (fondé en 2003 par des réformateurs « indépendants » des réformateurs officiels, toujours selon ‘Courrier’). Mais l’information sur l’Iran reste très difficile à trouver, ce qui fait de l’interface internet du SMCCDI un goulet d’étranglement quand on va chercher cette même information.

La lecture des articles émis par le SMCCDI est d’une monotonie redoutable, alors que le négatif, quand il n’est pas prémédité, comme c’est le cas dans l’émeute, est d’une richesse et d’une inventivité extra-ordinaires (j’ajoute le trait d’union pour insister sur cette situation d’exception qu’est l’émeute). Et si le fait d’observer permet de reconnaître des similitudes chez les émeutiers dans leur façon de se battre et dans les cibles attaquées, chaque situation n’en est pas moins le fruit de circonstances où la dispute cherche à l’emporter sur l’ordre établi, et cela ne peut se faire sans cette forme de spontanéité qui oscille entre courage et inventivité, surprise et audace. Un exégète du ‘Livre des mutations’ commente ainsi l’hexagramme nommé « spontanément », que j’associe librement à la situation d’émeute. « Agir spontanément, c’est inventer son attitude en fonction des circonstances. Etre à l’écoute de l’instant, agir sans plan préconçu, se départir de toute idée préalable de manière à pouvoir répondre avec justesse aux sollicitations du moment. » Or les militants du SMCCDI ont un vocabulaire si pauvre qu’ils rapportent à l’identique, ou presque, des circonstances d’affrontements qui sont forcément différentes.

Si je lis l’un de ces descriptifs isolément, je peux avoir la sensation qu’il s’est passé quelque chose de fort, comme à Téhéran le 8 septembre où les supporters laissent éclater leur joie après un match de préqualification pour la coupe du monde de football. Mais le couplet asséné par le SMCCDI fait que je doute, parce que ce n’est plus un couplet mais un refrain. « Groups of demonstrators retaliated to the brutal attack of the militiamen who were using plastic bullets and tear gas, by throwing pieces of stone and incendiary devices which resulted in heavy damages done to collective buses and several patrol vehicles. » Ce refrain, je l’avais déjà mémorisé pour Tus, non loin de Mashhad, le 14 mai. Mais aussi la veille à Téhéran, le 13 mai, et encore un mois plus tôt en banlieue de Téhéran, et à Esfahan, en avril, et plus tard à Bandar Abbas, le 27 septembre, à quelques variations près : « Clubs and chains were used against the residents who retaliated by throwing pieces of stones to the regime's agents and their vehicles. » Nous avons l’impression que le SMCCDI plaque un descriptif tout fait chaque fois qu’il entend parler d’un affrontement, en le privant de sa singularité, de son inventivité, en un mot de sa richesse. C’est pourquoi au cours du deuxième semestre 2004, si nous n’avons pas écarté cette source, bien que notre méfiance était accrue, nous avons davantage cherché à la recouper – sans grand succès il faut le dire.

Ce qui est particulièrement répugnant, hormis la rengaine, est la façon de présenter les violences comme systématiquement provoquées par l’attaque des forces de l’ordre. Ce ne sont jamais les pauvres qui sont à l’offensive. « Clubs and chains were used against the commemorators who, in retaliation, shouted slogans against the regime and its forces and thrown pieces of stones and hand made incendiary devices against the security vehicles. » Et sans avoir participé de ces événements, je peux affirmer que c’est calomnier les émeutiers.

Ce Comité de coordination a été fondé en 1997 par des étudiants aux idéaux extrêmement banals s’il en est : « human rights, democracy and free markets », et nous projette dans le monde rayonnant du libéralisme innocent. Il se rêve un rôle d’avant-garde : « Another struggle tactic of the Coordination Committee was to alert the strugglers for freedom, the freedom-lovers, and the disenchanted Iranian masses to their main identity and desires. » Et condamne toute forme de violence, même celles en réponse aux provocations : « We categorically and wholeheartedly reject violence! Even if provoked, we will not condone violence of any kind whatsoever. » Le NMD Newswire semble plus radical dans la manipulation d’opinion quand il reprend les articles du SMCCDI en censurant les actes de vengeance, comme pour Esfahan , en avril. Nous devons par conséquent considérer le couplet des « pieces of stone and incendary devices » comme le jargon codé appliqué à tout qui dépasse un tant soi peu l’idéologie de ces « freedom-lovers » : « (…) the Iranians genuinely want freedom – the freedom to think and produce and progress. » Et il est fort problable que ces organes de presse soient soutenus sur le plan logistique et financier par les Etats-Unis, qui ont expérimenté dernièrement leur « scénario » de « révolution pacifique » en Géorgie puis en Ukraine. Le marketing de l’exportation de la démocratie se prépare dans ce type d’organisation.

Je ne cherche pas ici à opposer une bonne presse à une mauvaise ; ou à plaider pour la pluralité de la presse, qui aujourd’hui parle le plus souvent d’une seule voix. Tous nos dossiers sont sujets à caution. Mais il me paraît important, avant d’exposer les faits négatifs de 2004 en Iran – et plus particulièrement ceux du mois de mars –, d’attirer l’attention sur ces caricatures qui n’ont pas même vocation à faire rire. D’habitude, quand nous avons affaire à un seul organe de presse, français par exemple, nous savons que ses concurrents exercent un contrôle minimum sur l’information qu’il donne, contrôle qui indique un cadre dans lequel nous savons qu’il se situe, même si nous restons sur nos gardes. Et nous recherchons dans la diversité des articles à recouper des anecdotes, à trouver les points de contradiction entre les informateurs, ce qui nous permet de reconstituer des faits qui ne sont pas forcément l’objet principal de leur angle, sans nous adosser à un seul récit. Avec le SMCCDI, ou MND Newswire, l’absence complète de concurrence rend leur récit peu fiable. Ils sont les seuls à parler d’événements importants et ils le font de manière idéologique, ils expédient les faits sans en rapporter des détails dont nous avons besoin pour comprendre ce qui nous intéresse : tout ce qui mène au débat de l’humanité sur elle-même, la nouveauté et la liberté qui s’exprime dans l’émeute, l’ouverture que l’émeute peut engendrer et que nous n’avions peut-être encore jamais repérée. « La spontanéité, on ne peut en voir le principe ni en déceler l’intention. Aucun être ne peut changer la parole qui le constitue, et à cette parole il doit y avoir réponse. »

 

III – Le beau mois mars en Iran

Le mois de mars 2004 commence, le 1er, par une émeute à Khaf, près de la frontière avec l’Afghanistan, à l’est de l’Iran. Des chiites étaient descendus de leurs villages en de nombreuses processions pour commémorer l’Achoura, premier jour du mois de deuil des martyrs de Najaf, où l’imam Hussein trouva la mort en 680. C’est au retour de l’une de ces processions qu’un banal accident de la route entre un camion et deux motocyclettes se transforme en affrontements entre les occupants du camion et la foule venue secourir les motocyclistes. Dans la nuit, le jeu se poursuit. Des « hooligans », d’après le porte-parole du ministère de l’Intérieur, attaquent des bâtiments officiels et des véhicules de la police, saccagent deux places de la ville, font tomber les vitres des banques et brûlent des pneus. Officieusement, il y aurait eu un mort et 2 blessés.

Le 2 mars a lieu une émeute à Baneh, dans la province iranienne appelée Kordestan (ou Kurdistan), c’est-à-dire à la frontière ouest de l’Iran, suite à une bavure. De la même manière qu’à Khaf, la foule attaque des bureaux du gouvernement, casse des vitres et met le feu à des véhicules. Cette émeute aurait fait un mort.

Les deux premières émeutes du mois de mars n’ont qu’un très faible lien avec la commémoration du martyre de Hussein, et pourtant elles ont été présentées par le SMCCDI comme faisant partie des affrontements (jets de pétards et cocktails Molotov) qui ont eu lieu à Téhéran, Shiraz, Esfahan en marge des rassemblements de l’Achoura. C’est un autre tic de ces militants que d’amalgamer des événements différents autour d’un même prétexte, quand ce prétexte leur paraît fédérateur. Or, si les émeutes de Khaf et de Baneh sont bien dirigées contre le régime, elles ne sont pas pour autant tournées contre l’Achoura.

Le 4 mars, cinq cents habitants de Bam, dans la province nommée Kerman, affrontent la police, saccagent des entrepôts, brûlent des voitures. Les manifestants protestent initialement contre les promesses non tenues du gouverneur, qui a en charge la reconstruction de cette région sinistrée depuis le tremblement de terre du 26 décembre 2003. Le tremblement de terre aurait fait 43 000 morts, la manifestation du 4 mars aurait fait 2 blessés, et ces cinq cents-là nous rappellent que le rapport entre les morts et les vivants n’est pas une question de quantité, mais de qualité : cette qualité passe par le respect de la parole, et la construction passe par la destruction, à Bam en tout cas. Le gouverneur prend peur : il accuse les médias d’avoir surévalué l’aide internationale en ayant fait miroiter une reconstruction facile, et les rend responsables de l’émeute.

Le 6 mars débute une grève nationale de deux semaines des enseignants, qui réclament des augmentations de salaires. Cette grève aurait amené le gouvernement à déployer des forces de sécurité supplémentaires dans les principales villes, mobilisant des troupes qui ne pourront pas intervenir sur les terrains de jeu à venir.

L’émeute suivante se passe à Bukan, le 9 mars, dans le Kurdistan iranien. Trente mille personnes se sont rassemblées pour fêter la nouvelle Constitution iraquienne, signée la veille, qui accorde un statut fédéral au Kurdistan iraquien et reconnaît le kurde comme l’une des deux langues officielles de l’Iraq. Ce qui fait descendre dans la rue des Iraniens, qu’ils soient Kurdes indépendantistes, légalistes – politiciens évincés lors des dernières législatives – ou anonymes frustrés de tout. A 14 heures, les esprits s’échauffent. L’émeute dure jusqu’à 23 heures, et plusieurs banques partent en fumée. 300 personnes auraient été arrêtées, et une jeune femme battue à mort par la police. Dès l’après-midi du 8 et pendant la journée du 9, des manifestations de joie ont lieu dans d’autres villes du Kurdistan et même de l’Azerbaïdjan oriental (le prétexte ne rassemble donc pas que des Kurdes). A Marivan, la liesse s’accompagne de distribution de pâtisseries. La statue d’un « basij », tué pendant la guerre contre l’Iraq et montré en exemple par le gouvernement, est déboulonnée. Quelques bris de vitres par-ci, quelques appels à l’indépendance par-là. Et comme le SMCCDI désapprouve et les affrontements et les appels indépendantistes, dans une technique bien rodée il présente les affrontements comme une réponse à la nouvelle provocation du régime islamique, qui aurait usé de la « menace indépendantiste pour calmer les esprits », en hissant des drapeaux qui effrayèrent « plus que les services de sécurité barbares venus réprimer ».

Pour les informateurs, il manque de la police sur le terrain échauffé du Kurdistan. La grève des enseignants occupe une partie de la troupe dans les grandes villes, et des milices islamiques chiites, comme la milice du Badr, qui étaient réfugiées en Iran sous le régime de Saddam Hussein, sont parties depuis quelques mois faire leur travail en Iraq, c’est-à-dire s’occuper des émeutiers iraquiens, après s’être entraînées aux côtés des pasdarans contre les émeutiers iraniens.

La suite a lieu à Fereydounkenar, dans le Mazandaran, au bord de la mer Caspienne. Des résultats d’élection, qui auraient pu avantager le parti réformiste, battu aux élections par le parti conservateur, ont été annulés. Ces élections ont connu un taux d’abstention record qui nous rappelle ceux des élections en pays « démocratiques », mais il ne m’étonne pas que la corruption des règles du jeu émeuve plus et rassemble davantage que les règles du jeu elles-mêmes. Des barricades sont construites le 13 mars. Des manifestants pillent la maison du mollah qui fait le prêche du vendredi. Ils bloquent le centre-ville, occupent des places et s’attaquent à des bâtiments publiques. Des unités spéciales sont envoyées par hélicoptères de Téhéran et d’Esfahan. Les tirs continuent pendant la nuit. Plusieurs pasdarans et basijs sont capturés et tués dans des embuscades. Le lendemain, un dimanche, pourrait s’intituler la fête du feu : la maison du mollah brûle, des bâtiments officiels sont incendiés, les cocktails Molotov enflamment des voitures de police. Les accès de la ville sont bloqués afin que la révolte ne gagne pas les communes avoisinantes, Babolsar, Babol, Amol. Il y aurait des dizaines de blessés dans les hôpitaux. Le lundi, la police reprend la ville, non sans affrontements. Les trois jours ont fait entre 5 et 8 morts et entre 100 et 200 blessés. Quelques affrontements auraient eu lieu à Babolsar et à Amol, dont nous ne savons pas s’ils ont un lien direct avec ceux de Fereydounkenar.

En Iran, les quotidiens ont criminalisé cet événement et ont retourné l’accusation de corruption – ce sont les émeutiers qui sont les « corrompus » – alors que pour le SMCCDI, hors d’Iran, ce sont avant tout des pauvres qui se défendent contre l’injustice du gouvernement inique, et qui sont, à Fereydounkenar, conduits par des freedom-lovers, ces combattants masqués qui leur montrent sans doute ce qu’il faut faire et comment et où. A choisir, je préfère la version du quotidien de la ligne conservatrice, qui criminalise cette négativité, plutôt que la version SMCCDI, qui justifie en dégradant la négativité en militantisme défensif et suiviste.

Nous ne savons pas non plus si le Mercredi rouge a été fêté à Fereydounkenar. Le SMCCDI rapporte que les freedom-lovers auraient voulu faire durer la fête jusque-là. Le Mercredi rouge est le dernier mercredi avant le nouvel an iranien (Novroz), qui coïncide avec l’équinoxe du printemps, alors que les fêtes religieuses, comme l’Achoura, se déplacent d’année en année, puisque leur date est calculée d’après le calendrier lunaire. C’est la première fois depuis la révolution en Iran que le gouvernement autorise, à Téhéran, des rassemblements autour de cette tradition « païenne ». Lors du Mercredi rouge – appelé également Fête du feu –, sauter par-dessus des feux de joie permet de conjurer les mauvais esprits, ou de convoquer les bons, de prendre la belle couleur rouge du feu et d’abandonner la pâleur maladive. Il y a aussi des distributions de nouilles spéciales, de noix, de noisettes et de fruits secs. Et alors que des squares sont ouverts à Téhéran pour permettrent aux païens de sauter, le grand ayatollah Lotfollah Safi Golpaygani condamne : « The superstitious ceremony of Chaharshanbeh Suri is incompatible with the dignity and understanding of the Muslim Iranian nation. »

Ils seraient des milliers à Téhéran à transformer l’innocente Fête du feu en manifestation contre le régime. Mais le prétexte fait tellement saliver les militants du SMCCDI et de MND Newswire que nous nous en tiendrons aux dégâts, sans interpréter le rapport entre le feu, les bons « étudiants » et les méchants « islamiques », qui sont ici surtout des policiers. Je doute d’ailleurs que le terme étudiants soit ici le bon. Ou alors ce sont des étudiants en cocktails Molotov, en balles en caoutchouc (les armes de l’adversaire sont au programme), en grenades artisanales, en voitures de polices saccagées puis incendiées (le feu est à l’étude dès le mardi soir et durant tout le mercredi), en bâtiments officiels brûlés – drapeaux et portraits compris. Il y aurait 78 blessés et un mort. A Esfahan, Bushehr, Yazd et Shiraz aussi, les policiers sont assaillis par des manifestants armés d’explosifs artisanaux, et un policier est tué.

Le 23 mars, c’est une bavure qui provoque la prise et l’incendie du commissariat de police d’Eslamieh, à la frontière iraquienne, dans la province d’Elam. Il y a 2 morts et des dizaines de blessés et d’arrêtés, des banques, des bâtiments publics saccagés. Et le 26, à Gorgan, à nouveau dans le Mazandanran, au bord de la mer Caspienne, la sortie d’un match de volley-ball fournit la belle occasion de s’en prendre aux « officiels », aux « notables » ; de pratiquer le sport mondial du jet de pierres et du maniement des barres de fer contre les lacrymogènes et les balles en caoutchouc ; d’allumer une station de radio et de télévision, des banques et des mosquées, de malmener les voitures de police, bref, de serrer la main virtuellement à tous les émeutiers du beau mois de mars 2004 en Iran.

 

IV – Quelle négativité en Iran ?

La suite ne paraîtra plus aussi dense. Bien qu’au mois de mai nous ayons repéré également huit événements, seulement deux nous ont paru du niveau de l’émeute. Le 14 mai à Shahinshar, près d’Esfahan, les affrontements commencent par l’empêchement d’arrestation de femmes non voilées. L’on apprend qu’il y aurait eu plusieurs milliers d’arrestations depuis le début de l’année, c’est-à-dire depuis le 21 mars. « The official number of arrests for Isfahan has been announced as 4,700 and in Tehran of 500 individuals. » Ce début à Shahinshar mène à l’attaque de bâtiments publics, de véhicules de police, au bouclage d’un quartier et à des… dizaines d’arrestations. Le 17 mai, à Kamyaran, dans le Kordestan, une bavure lors d’un contrôle de police conduit la foule à attaquer le commissariat et les policiers à tirer sur la foule, à moins que ce ne soit l’inverse si l’on en croit le SMCCDI. Il y aurait eu entre 3 et 5 morts et des blessés dans les deux camps. Pendant le mois de mai, des affrontements ont encore lieu à Téhéran, à Ahwaz, à Mosharegeh, dans le Khuzestan, puis à nouveau à Téhéran, puis à Tus, près de Mashhad, puis encore à Téhéran. L’on se bat contre les chicanes de l’office des passeports, contre l’exécution publique de « trafiquants de drogue », contre le plan du barrage de Kosaran, pour la chanteuse des déshérités, qui vient de mourir à Los Angeles, autour des commémorations du célèbre poète Ferdowsi, mort en 940, et même les étudiants en théologie s’en mêlent, en jetant des pierres et des cocktails Molotov contre l’ambassade britannique de Téhéran afin de dénoncer la boucherie en Iraq.

La négativité, en Iran, est une sorte de négativité « simple », qui s’exprime généralement par l’attroupement rapide de quelques centaines de manifestants, soit en marge de manifestations soit « ex nihilo », en réaction à une « injustice » flagrante, et très rapidement les forces de l’ordre sont attaquées, le feu entre dans la partie, et le mobilier urbain et les bâtiments publics sont vandalisés. Ce jeu de la négativité a l’air fort pratiqué sans être médiatisé hors du SMCCDI, qui tente toujours de traduire ces affrontements en une sorte de rituel mécanique et fataliste. Dans l’exégèse de l’hexagramme spontanément, l’on trouve également une négation du désordre, mais en suivant des chemins aussi fins que ceux du SMCCDI sont grossiers, et qu’il me plaît ici de citer, même si je n’en partage pas la vision cosmogonique. « “Spontanément” est le seul hexagramme à être nommé avec une négation, comme si ce dont il s’agit, dépassant le cadre de notre entendement usuel, ne pouvait être cerné que par la description de “ce qui n’est pas”. Son nom se présente donc comme “négation de l’errance”. Cette formulation négative insiste sur l’apparence désordonnée, déboussolante, d’un fonctionnement naturel dont le sens caché souvent nous échappe. Il pourrait être rendu mot pour mot par : non-errance, non-divagation, non-désordre. »

Le jeu de l’émeute, comme négation désordonnée et non préméditée de ce qui est là, n’intéresse pas les médias occidentaux, qui en Iran s’occupent des élections, déplorent le taux d’abstention, observent avec attention le PIB et l’« évolution vers le libéralisme économique », sans oublier la menace du nucléaire. Il faut entendre les journalistes ratiociner sur le plus ou moins de conservateurs au Parlement qui vont amener le plus ou moins d’ouverture aux entreprises étrangères. Ce sont là deux faux débats que la presse occidentale cherche à installer pour recouvrir le début de débat des gueux émeutiers. Le premier concerne la religion, le second l’économie. Tout ce qui polarise ces faux débats la fait saliver. Il faut la voir accourir auprès des jeunes Téhéranais (les fameux étudiants en théologie) qui caillassent l’ambassade britannique en mai, puis en novembre. Et il est vrai que la division Islam-Occident est un rempart efficace contre la négativité des gueux, comme l’a montré le mois d’avril 2004 en Iraq, où les phares de l’information ont soutenu la cristallisation autour du mollah-son Sadr et l’opération punitive menée par les Américains contre la ville de Fallouja, ce qui a fait taire durablement les émeutiers iraquiens anonymes du début de l’année. Il faut encore supporter ces mêmes informateurs quand ils dissertent sur les circonstances atténuantes de la dictature quand elle s’ouvre au libre marché, comme en Chine, et en Iran justement, et quand ils taisent opportunément les dures conséquences d’une telle ouverture. Les émeutiers d’Iran ne sont pas si différents de leurs pairs chinois ou iraquiens. Les mailles du filet de la récupération sont à peine plus resserrées, ici ou là. C’est donc la critique de la religion et de l’économie dont les gueux devront faire la théorie pour clouer le bec à tous les religieux, gestionnaires et informateurs réunis. Ils auront à nous apprendre leur langue, sans la laisser traduire par des SMCCdéistes, et à approfondir le débat s’ils veulent trouver une réponse satisfaisante à leurs actes négatifs.

(Laboratoire des frondeurs, mai 2005)

 

   

Annexe :

Mise à plat des sources d’information sur l’Iran en 2004.

Sur les 94 articles retenus pour l’année 2004, 59 proviennent du site appelé daneshjoo.org (daneshjoo signifie étudiant en iranien), qui est l’interface internet du SMCCDI (le Comité de coordination du mouvement étudiant pour la démocratie en Iran). Et 48 articles, c’est-à-dire plus de la moitié des articles, sont signés par ce même SMCCDI.

IRAN : dossiers ouverts en 2004

(en gras les dossiers d’émeute)

Source des articles

 

Autres sources de référence citées dans les articles

Janvier : 1/0

 

 

04 IRA 1 - 04-01-23 Shahr -el Babak

AFP (iranmania.com)

iribnews.com

Irna (agence)

Février : 1/0

 

 

04 IRA 2 - 04-02-20 Izeh

servicios.larioja.com

europapress.es

EFE (cronica.com.mx)

eltribuno.com.ar

 

Mars : 8/0

 

 

04 IRA 3 - 04-03-01 Khaf

radiofarda.com

SMCCDI (daneshjoo.org)

SMCCDI (daneshjoo.org)

SMCCDI (daneshjoo.org)

SMCCDI (daneshjoo.org)

BBC (daneshjoo.org)

 

 

 

 

 

Mehr news agency

04 IRA 4 - 04-03-02 Baneh

SMCCDI (daneshjoo.org)

radiofarda.com

 

04 IRA 5 - 04-03-05 Bam

AFP (yahoo.com)

Shargh (reformist daily)

Fars news agency

04 IRA 6 - 04-03-09 Bukan

SMCCDI (daneshjoo.org)

AFP via Iranmania (daneshjoo.org)

kurdistanobserver.com

Neue Zürcher Zeitung (parsimony.net)

 

Jomhuri Islami newspaper (hardline)

04 IRA 7 - 04-03-13 Fereydounkenar

AFP via Iranmania (daneshjoo.org)

SMCCDI (daneshjoo.org)

SMCCDI (daneshjoo.org)

MND Newswire (mensnewsdaily.com)

MND Newswire/SMCCDI (mensnewsdaily.com)

Reuters (deepikaglobal.com)

SMCCDI (daneshjoo.org)

mensnewsdaily.com

Jomhuri Islami newspaper

 

 

 

 

04 IRA 8 - 04-03-16 Téhéran

MND Newswire/SMCCDI (mensnewsdaily.com)

SMCCDI (daneshjoo.org)

SMCCDI (daneshjoo.org)

SMCCDI (daneshjoo.org)

SMCCDI (daneshjoo.org)

Reuters (cnn.com)

mensnewsdaily.com

mensnewsdaily.com

Reuters (theage.com)

The New York Sun (iranvajahan.net)

AFP (iranmania.com)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

KRSI, une station de radio californienne

04 IRA 9 - 04-03-23 Eslamieh

SMCCDI (daneshjoo.org)

 

04 IRA 10 - 04-03-26 Gorgan

SMCCDI (daneshjoo.org)

 

Avril : 1/1

 

 

04 IRA 11 - 04-04-03 Esfahan

SMCCDI (daneshjoo.org)

SMCCDI (daneshjoo.org)

SMCCDI (daneshjoo.org)

SMCCDI (daneshjoo.org)

MND Newswire (mensnewsdaily.com)

SMCCDI (daneshjoo.org)

SMCCDI (daneshjoo.org)

 

 

 

 

SMCCDI (reprise quasi intégrale de l’article)

04 IRA - 04-04-13 Téhéran

SMCCDI (daneshjoo.org)

 

Mai : 2/6

 

 

04 IRA - 04-05-01 Téhéran

SMCCDI (daneshjoo.org)

 

04 IRA - 04-05-02 Ahwaz

SMCCDI (daneshjoo.org)

 

04 IRA - 04-05-06 Mosharegeh

SMCCDI (daneshjoo.org)

 

A 04 IRA - 04-05-13 Téhéran

SMCCDI (daneshjoo.org)

 

04 IRA 12 - 04-05-14 Shahinshar

SMCCDI (daneshjoo.org)

SMCCDI (daneshjoo.org)

 

04 IRA - 04-05-14 Tus

SMCCDI (daneshjoo.org)

 

04 IRA - 04-05-16 Téhéran

Sun (daneshjoo.org)

Reuters (reuters.co.uk)

AFP (servihoo.com)

Reuters (daneshjoo.org)

AFP (wanadoo.ma)

PA (scotsman.com)

 

04 IRA 13 - 04-05-17 Kamyaran

SMCCDI (daneshjoo.org)

 

Juin : 0/3

 

 

04 IRA - 04-06-01 Téhéran-Arak

SMCCDI (daneshjoo.org)

 

04 IRA - 04-06-03 Téhéran

SMCCDI (daneshjoo.org)

 

04 IRA - 04-06-04 Téhéran

SMCCDI (daneshjoo.org)

 

Juillet : 0/0

 

 

Août : 0/2

 

 

04 IRA - 04-08-05 Zahedan

SMCCDI (daneshjoo.org)

AFP via Iranmania (daneshjoo.org)

 

04 IRA - 04-08-25 Guonaveh

SMCCDI (daneshjoo.org)

 

Septembre : 1/4

 

 

04 IRA - 04-09-08 Téhéran

 

 

04 IRA - 04-09-26 Téhéran

SMCCDI (daneshjoo.org)

AFP (daneshjoo.org)

SMCCDI (daneshjoo.org)

Reuters (daneshjoo.org)

BBC (daneshjoo.org)

Voice of America (daneshjoo.org)

Reuters (daneshjoo.org)

SMCCDI (daneshjoo.org)

SMCCDI (daneshjoo.org)

AFP via Iranmania (daneshjoo.org)

 

 

 

 

 

 

 

Baztab Daily

04 IRA 14 - 04-09-27 Nurabad

SMCCDI (daneshjoo.org)

Iran Focus (iranfocus.org)

AFP (courrierinternational.com)

 

 

Shargh (quotidien)

Isna (agence estudiantine)

04 IRA - 04-09-27 Bandar Abbas

SMCCDI (daneshjoo.org)

 

04 IRA - 04-09-28 Ouch Tapeh

AFP (la-croix.com)

Irna (agence)

Octobre : 0/3

 

 

04 IRA - 04-10-18 Yazd

SMCCDI (daneshjoo.org)
Iran Focus (freerepublic.com)

 

04 IRA - 04-10-20 Hamadan

SMCCDI (daneshjoo.org)

 

04 IRA - 04-10-28 Borazjan

forum (Iran Press News)

Iran Focus (iranfocus.com)

 

Novembre : 0/4

 

 

04 IRA - 04-11-01 Ahwaz

SMCCDI (daneshjoo.org)

 

04 IRA - 04-11-08 Rafsanjan - Ismaeilabad

SMCCDI (daneshjoo.org)
AFP via Iranmania (daneshjoo.org)

 

04 IRA - 04-11-17 Téhéran sport

SMCCDI (daneshjoo.org)

 

04 IRA - 04-11-29 Téhéran

AP (ndtv.com)

AFP (yahoo.com)

 

Décembre : 0/0