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28 octobre, 15h37

Expropriations à Istanbul : accord entre autorités et résidents

Après deux jours de tensions et parfois de heurts, le calme semble être revenu jeudi dans un bidonville d'Istanbul où une expropriation a mis le feu au poudre entre les habitants et la police, dans un contexte d'urbanisation sauvage que les autorités sont incapables d'éradiquer.

Les autorités municipales et les habitants d'Ertugrulgazi, sur la rive asiatique de la métropole, qui craignaient la démolition de leur quartier, sont parvenus à un accord, ont constaté les journalistes sur place.

"Nous avons levé les inquiétudes de la population suscitées par de fausses informations sur la destruction complète du quartier", a affirmé jeudi Erol Kaya, le maire de Pendik, dont dépend le district, au terme de près de trois heures de discussions avec une délégations d'habitants.

"Des démolitions ont été effectuées uniquement pour permettre la construction d'une école. Il n'y aura pas d'autres destructions", a-t-il ajouté, précisant que les habitants des maisons détruites seraient relogés dans des maisons qu'ils pourront reconstruire avec l'aide des services municipaux.

La veille, les équipes municipales avaient démoli 14 maisons construites illégalement sur des terrains du Trésor dans ce district, suscitant la colère des habitants.

Ces derniers avaient érigé des barricades avec des pneus enflammés et des poubelles et s'en étaient pris aux forces de police chargées de la protection des travailleurs municipaux, lançant des bâtons, des pierres et des cocktails Molotov contre les blindés de la police tentant de forcer les barrages.

Au cours de ces incidents qui impliquaient, selon les observateurs, de jeunes militants d'un groupe d'extrême-gauche, la police a arrêté quatre personnes et riposté à coups de matraque et de gaz lacrymogène.

Ces heurts ont fait de nombreux blessés légers des deux côtés, selon la presse.

Des journalistes sur place ont rapporté que des équipes de télévision et des photographes ont été attaqués par les manifestants à coups de bâton lors des affrontements.

Dès le départ des forces de sécurité, les manifestants ont reconstruit leurs barricades avant d'entamer une veille qui a duré toute la nuit.

Des unités de la gendarmerie ont encerclé le périmètre dans la nuit, à constaté un photographe de l'AFP, mais n'ont pas empêché l'organisation jeudi matin d'une marche pacifique. Celle-ci a réuni un millier de personnes, dont des femmes et des enfants, vers les locaux de la mairie du quartier pour demander l'arrêt des démolitions.

Le face à face est devenu plus tendu quand la police a bloqué les manifestants, mais un accord a été trouvé et vingt représentants des habitants d'Ertugrulgazi ont été autorisés à rencontrer leur maire.

Les manifestants ont accueilli avec satisfaction le compte-rendu de ces négociations rapporté par leurs délégués et ont commencé à refluer dans le calme vers leur quartier.

Depuis les années 1960, l'exode rural a nourri une urbanisation sauvage se manifestant par la construction illégale de quartiers entiers à la périphérie et jusqu'au centre des grandes métropoles turques.

Ces quartiers, dits de "gecekondu" (littéralement "posé dans la nuit"), accueillent en général une population d'origine rurale subsistant à l'aide de "petits boulots".

Certains de ces quartiers sont rasés tandis que d'autres parviennent à négocier avec les autorités municipales leur subsistance et bénéficient occasionnellement d'amnisties qui leur permettent de se développer jusqu'à former de vastes banlieues disposant de leurs propres écoles et commerces.

 

http://www.courrierinternational.com/AFP/depeche.asp?obj_id=041028143346.wkc5w12j

28/10/2004 - 16:33

ANKARA, 28 oct (AFP)
L'urbanisation sauvage: un fléau difficile à éradiquer           

De violentes émeutes qui ont opposé ces deux derniers jours les forces de sécurité à des résidents d'un bidonville d'Istanbul menacé de destruction ont relancé le débat récurrent sur la situation du logement en Turquie, que le gouvernement turc a promis d'améliorer.

Le quartier d'Ertugrulgazi, sur la rive asiatique d'Istanbul, première métropole du pays avec quelque 12 millions d'habitants, a été en proie mercredi à de violents incidents opposant les forces de l'ordre aux habitants du quartier menacés d'expropriation.

Un accord a finalement pu être trouvé jeudi entre les autorités municipales et les résidents en colère.

Des altercations opposent régulièrement les policiers aux personnes sommées d'évacuer leurs "gecekondu" (littéralement "posé dans la nuit"), mais les émeutes comme celles de mercredi a Ertugrulgazi sont plus rares.

Le gouvernement turc mène un combat contre les "gecekondu" qui se multiplient depuis plus de 40 ans au rythme de l'exode rural en provenance de l'Est pauvre vers les grandes villes de l'Ouest industrialisé, ensevelissant progressivement leurs abords sous des bâtiments de fortunes, sans aucun respect des normes d'hygiène et de sécurité.

Un véritable marché souterrain du logement s'est développé autour d'entrepreneurs du bâtiment qui ont profité d'une demande croissante pour construire dans la hâte -- afin d'imposer aux autorités le fait accompli de l'occupation d'un terrain -- des centaines de milliers de ces habitations.

Ces agrégats de maisons et d'immeubles de fortune disposent généralement de l'électricité et de l'eau courante, parvenant même parfois à se constituer en véritables quartiers avec leurs propres commerces, écoles et différents services.

Cette urbanisation sauvage a été tolérée par les gouvernements successifs qui, à chaque fois, ont amnistié à des fins politiques les habitants des bidonvilles à l'approche d'élections, s'épargnant par la même la peine de construire des logements sociaux.

Dans la pénombre d'une petite boutique cachée entre deux maisons de fortune, le petit épicier d'un bidonville d'Altindag, à Ankara, demeure laconique sur les conditions de vie des gens du quartier.

"Nos enfants vont à l'école, nous avons tous l'eau courante et l'électricité, de manière légale ou en fraudant, certes, mais tout va bien (...) Ici ce n'est pas vraiment un gecekondu, nous sommes là depuis des générations, c'est un quartier ancien, c'est tout", dit cet homme d'une cinquantaine d'années.

A la fois par préoccupation électorale et pour satisfaire aux exigences européennes en matière de logement, le gouvernement du premier ministre Recep Tayyip Erdogan s'est attaqué récemment au problème de ces logements insalubres, votant une loi prévoyant des peines allant jusqu'à 5 ans de prison pour les responsables des chantiers.

Selon une enquête, 38% des habitations en Turquie ont été construites sans autorisation.

"L'AKP a promis la construction de logements sociaux, il n'ont rien fait pour le moment, mais ils ont promis", souligne l'épicier des ruelles terreuses d'Altindag. Ses propos révèlent l'ampleur du travail qui reste à accomplir dans un pays qui compte quelque 10 millions de personnes (sur 70 millions) vivant en dessous du seuil de pauvreté.

Le gouvernement a annoncé la construction dans les prochaines années à travers le pays d'une centaine de milliers de logements sociaux qui seront réservés aux familles les plus démunies, avec des crédits à long terme.

Parallèlement, le gouvernement s'oppose à la construction de nouveaux "gecekondu": à la veille des élections municipales de mars 2004, M. Erdogan s'était montré particulièrement intransigeant, affirmant qu'aucune amnistie ne serait accordée à l'avenir à ce genre d'habitations.