http://www.lematin-dz.net/quotidien/lire.php?ida=18952&idc=9&taj=1&refresh=1#
Batna,
les émeutes se poursuivent à Tkout
R.
N.
15-05-2004
Les émeutes ont repris hier, en début de
soirée, à Tkout, dans la wilaya de Batna. Après une journée d'accalmie, les
citoyens ont réoccupé de nouveau la rue pour exiger la libération des
délégués et des membres du mouvement citoyen arrêtés la veille et dans la
matinée d'hier. Un rassemblement a été initié auparavant devant la daïra de
Tkout pour demander la libération de ces derniers, au nombre de 17, et le
départ du renfort de la gendarmerie déployé la veille au niveau de la
localité de Taghit. Ce renfort a été dépêché pour parer au départ de la
garde communale dont la présence est devenue indésirable à la suite de
l'assassinat d'un jeune par un membre de ce corps armé.
R. N.
http://www.liberte-algerie.com/edit.php?id=24082
Liberté, 04-05-16
Émeutes à
T'kout (Batna)
La
caserne de la garde communale incendiée
Par Rédaction de Liberte Lu (178 fois)
Durant
la journée d’hier, la localité de T’kout, dans la wilaya de Batna, a été
le théâtre de violentes émeutes.
Selon les premières informations, des jeunes en furie ont déversé leur
colère sur le siège de la garde communale qu’ils ont fini par incendier.
Ces émeutes ont éclaté jeudi dernier.
En effet, ce jour-là, un garde communal a assassiné, involontairement, selon
les premières conclusions de l’enquête, un jeune de la localité.
http://www.lematin-dz.net/quotidien/lire.php?ida=19088&idc=41&taj=1&refresh=1#
La
population ne veut rien dire
Tkout : silence sur la ville
N.
N.
18-05-2004
De notre envoyé spécial, Nouri Nesrouche
Le calme est revenu hier à Tkout après
les troubles survenus entre vendredi et dimanche. L'unité d'intervention de la
gendarmerie, dépêchée sur place, est repartie vers Batna hier en fin
d'après-midi croyant avoir mis fin à la révolte des jeunes de la région
conduits par les animateurs du mouvement citoyen. 22 personnes ont été
arrêtées lors de ces évènements et présentées lundi au procureur de
N. N.
http://fr.allafrica.com/stories/printable/200405190130.html
Le
désespoir, la rue et le suicide
OPINION
19 Mai 2004
Publié sur le web le 19 Mai 2004
By Abdelkrim Tazaroute
La rue, réceptacle de toutes les colères des laissés-pour-compte, des petites gens qui ne savent plus à quel saint se vouer lorsqu'elles se sentent victimes d'une injustice sociale, quand elles ne croisent pas sur leur chemin une oreille attentive et lorsque des portes se ferment devant elles à chaque fois qu'elles ont des doléances.
L'émeute comme mode de revendication en l'absence d'institutions locales en mesure de se conformer à leur statut, de se rapprocher et d'être à l'écoute des citoyens, l'émeute comme unique recours quand les élus locaux pensent davantage à se servir et à s'enrichir au lieu de se comporter en dignes et premiers représentants de l'Etat dans la structure de base que représente une commune. Force est de constater hélas que ce principe de base n'est pas respecté et que l'élu a tendance à ne courtiser les citoyens-électeurs que pendant l'échéance électorale, et durant le reste de son mandat, il vaque à son sport favori, l'enrichissement rapide avec tous les moyens que lui procure son mandat, conforté dans sa nouvelle mission par le règne de l'impunité. Il faudrait alors un jour demander de quelle représentativité peuvent se targuer ces élus locaux incapables de faire face à ce mouvement de révolte qui prend une ampleur de plus en plus alarmante. Comme il est étonnant de constater que ces mêmes élus du peuple ne semblent pas être interpellés par cette situation de révolte caractérisée en remettant soit en cause le mode de gestion de la commune soit la politique sociale qui fait de chaque distribution de logements sociaux, pour ne prendre que ce cas précis, des mécontents et fatalement la cause de la rébellion des citoyens.
Par conséquent, si la vision des élus diverge sur ce mode opératoire, la sagesse ou le bon sens suggère une démission du moment qu'il est impossible de contenter tout le monde par manque de moyens ou en raison des fortes attentes et des multiples brèches qu'ouvrent les paramètres de choix des futurs bénéficiaires. Sans trop s'étaler sur les raisons et les causes d'un phénomène social qui touche pratiquement l'ensemble du territoire national, le fait est là, signe qu'un profond malaise social secoue la société. Le problème de la gestion des communes s'affiche au quotidien et ce, quelle que soit l'obédience politique des élus des communes. A la décharge de ces élus, les attentes des citoyens sont tellement nombreuses qu'il est illusoire de croire qu'il est possible de les satisfaire. Cependant, ce que demandent les citoyens n'est pas tant la solution de tous leurs problèmes sociaux en un tour de main mais une structure attentive à leurs doléances. Comme il convient de rappeler que c'est le sentiment d'injustice sociale qui exacerbe plus le mécontentement que la non-prise en charge des besoins des citoyens en matière de logement et d'emploi.
Dans une société déstructurée par plus d'une décennie de crise multidimensionnelle, les repères volent en éclats et le contraste est saisissant entre une minorité qui affiche sans retenue les attributs de sa soudaine richesse et une grande majorité qui se suicide et s'immole à petit feu lorsqu'elle ne franchit pas le cap fatal. La misère est dure à supporter. La pauvreté pousse à l'extrême quand le bout du tunnel paraît infranchissable. Quand sous d'autres cieux le mouvement associatif se veut imaginatif et trouve à chaque fois la parade pour atténuer la douleur des autres, on se surprend à se demander à quoi servent toutes les associations de notre pays, qui, elles aussi, tout comme nos élus, ne se réveillent que pendant les échéances électorales. Le mouvement associatif est-il formaté en Algérie comme un appendice d'un régime ? La question mérite d'être posée à chaque fois que nous sommes interpellés par des gestes désespérés des citoyens.
http://www.lematin-dz.net/quotidien/lire.php?ida=19125&idc=41&taj=1&refresh=1#
Le
pouvoir veut mater le mouvement de protestation
Tkout : entre la misère et la répression
N.
N.
19-05-2004
De
notre envoyé spécial Nouri Nesrouche
Sur
le CW5 en allant vers le sud de Batna, la profondeur du pays se révèle dans
toute sa splendeur et sa générosité, mais aussi et surtout dans sa pauvreté
insoutenable, fruit d'un oubli âgé de 42 ans. En quittant Arris, sur le chemin
de Tkout, c'est aussi la dernière usine qu'on laisse derrière nous.
L'agriculture se résume, quant à elle, à quelques vergers longeant l'oued
d'où la population tire des récoltes de subsistance et s'y active pour tuer le
temps. Avant de découvrir cette oasis en miniature, on doit d'abord franchir
les gorges de Taghit, portail taillé dans la montagne rocheuse et s'ouvrant sur
une citadelle naturelle qui s'allonge à perte de vue et où se sont imprimées
de belles pages de l'histoire. Quelques centaines de mètres plus loin, se
découvre à nous l'endroit d'où est parti le premier coup de feu de la
révolution de Novembre. L'imagination est aussitôt stimulée pour reconstituer
le film des événements qui allaient changer le cours de l'histoire de
l'Algérie et dessiner les silhouettes des vaillants combattants dirigés par
Mostefa Ben Boulaïd, partis sur tous les chemins pour semer le vent de la
révolution. Ce sont pour la plupart des « hors-la-loi », comme les
qualifiait l'armée coloniale, dignes descendants de Messaoud Benzelmat I et II,
chefs respectifs des révoltes de 1916 et 1942 et de Mohamed-Ameziane
Bendjarallah qui a conduit le premier mouvement de résistance de Tkout en
Ce mouvement né il y a plus d'une année dans ces fins fonds des Aurès avait
eu déjà de timides rencontres avec les mouvements revendicatifs de
N. N.
http://www.lematin-dz.net/quotidien/lire.php?ida=19162&idc=41&taj=1&refresh=1
Le Matin
Réunion
de
Une délégation des aârouch sera à Tkout lundi
De
notre correspondant
Deux points à l'ordre du jour de la
rencontre de
Après son retour de Batna, la délégation des aârouch tiendra une conférence
de presse à Alger (Maison de la presse) pour rendre compte de sa mission.
Belaïd Abrika a affirmé toutefois que
La CADC propose, en outre, une réunion extraordinaire de l'interwilayas des
aârouch ce week-end pour « organiser le plus vite possible une action à Alger
», pour interpeller le pouvoir sur les dépassements de Tkout. Pour rappel, la
localité de Tkout a vécu ces derniers jours de violentes émeutes marquées
par une vague de répression d'une rare violence qui s'est soldée par des
centaines de blessés et de détenus parmi les citoyens révoltés. Des
événements déclenchés par l'assassinat par un garde communal du jeune Argabi,
19 ans.
Kamel Omar
21-05-2004
http://www.lematin-dz.net/quotidien/lire.php?ida=19210&idc=41&taj=1&refresh=1#
Alors
que le ministre de l'Intérieur estime que c'est une manipulation
Tkout isolé
Abla
Chérif
22-05-2004
Les
délégués du mouvement citoyen des Aurès ont réagi hier aux propos tenus ce
jeudi par le ministre de l'Intérieur au sujet des évènements de Tkout en
déclarant qu'il s'agissait d'une « grossière manipulation visant à tronquer
les faits tout comme avec Guermah Massinissa ». « Il a commis une bourde de
plus, une erreur grave qui peut entraîner de lourdes conséquences »,
assènent Salim Aïssi et Soltani Brahim, deux représentants de ce mouvement en
fuite comme le reste des membres de l'organisation depuis les évènements qui
ont éclaté le week-end dernier. Interrogé par les journalistes en marge des
travaux de l'APN, Yazid Zerhouni a justifié la mort du jeune Argabi Chouaïb en
affirmant qu'il se trouvait dans une zone où avait été dressé un barrage.
Une explication qui ne justifie en rien cet assassinat, affirment les deux
délégués en rappelant que la version des faits, tels qu'ils se sont
réellement déroulés, a été rapportée par un ami de la victime qui se
trouvait sur les lieux au moment du drame. Selon son témoignage, Argabi
Chouaïb avait décliné son identité à la demande du garde communal qui
était à ce moment en embuscade. « Vous savez, dans un village tout le monde
le connaît mais cela ne l'a pas empêché d'ouvrir le feu en sa direction et de
le tuer. » « Zerhouni n'a, par contre, pas informé l'opinion publique du sort
réservé à ce garde communal. A-t-il été arrêté ? Va-t-il être jugé ?
Les propos du ministre sont graves, je le répète, même s'il a estimé que la
révolte de la population était compréhensible. Sa déclaration est d'ailleurs
très ambiguë. » Ambiguë dans la mesure où le ministre de l'intérieur a
fourni sa réponse aux journalistes en enchaînant sur les résultats de la
commission gouvernementale chargée d'enquêter au sujet des émeutes qui
secouent le pays, laquelle, dit-il, a relevé que « dans plusieurs cas, les
manifestations des citoyens étaient manipulées par des personnes bien
déterminées. Plusieurs d'entre elles ont d'ailleurs été mises sous mandat de
dépôt ». Ces propos se sont vérifiés sur le terrain, y compris pour Tkout
où des mandats d'arrêt ont été lancés ces derniers jours contre les
principaux animateurs du mouvement citoyen des Aurès. Au lieu de s'apaiser, la
tension s'accentue dans ce petit village où la répression s'est de nouveau
abattue ce vendredi en début de soirée. Selon les informations qui nous sont
parvenues, les gendarmes ont, en effet, organisé une véritable descente
punitive visant apparemment à maintenir la terreur qui s'est abattue sur la
population. Les gendarmes ont investi les rues en début de soirée, tabassant
et humiliant tous les jeunes qui se trouvaient à l'extérieur pour les
contraindre à rejoindre leur domicile. De facto, une sorte de couvre-feu a
été instauré dans le village déjà vidé d'une bonne partie de ses habitants
en fuite depuis l'éclatement des évènements. Plus de 65 jeunes, doit-on le
rappeler, se trouvent depuis près d'une semaine dans les montagnes après la
vague d'arrestations lancée par la gendarmerie suite à la révolte qui s'est
déclenchée après l'assassinat d'Argabi Chouaïb. La chasse à l'homme n'a pas
cessé depuis puisque un autre délégué du mouvement citoyen a fait l'objet
d'une arrestation hier soir. Le village, complètement encerclé par les forces
de l'ordre depuis plusieurs jours déjà, était privé de liaisons
téléphoniques durant la journée d'hier. C'est dans ce contexte que le procès
de Salim Yezza, le principal animateur du mouvement citoyen, actuellement en
fuite, se déroulera jeudi.
Abla Chérif
http://www.liberte-algerie.com/edit.php?id=24327
Actualité
(Edition du 23/5/2004)
Notre reporter c'es rendu sur
les lieux
Vérités
sur l'affaire de Tkout
Par Djamel Alilat Lu
(1302 fois)
Pendant une semaine, la
région de Tkout, au sud de Batna, qui passe pour un bastion du mouvement des
archs, a vécu des évènements douloureux suite à la mort d’un jeune homme
de Taghit, tué par un garde communal.
La
population, qui n’a fait que réclamer justice, a subi une répression
féroce. D’autant plus féroce qu’elle avait eu lieu à huis clos, à l’abri
des regards indiscrets. Tkout est loin de tout. Ce n’est pas
genèse
de l’affaire
Tout commence par un incident mineur au lycée de Tkout. Un lycéen, fiché
pour son appartenance au mouvement des archs, est vivement rudoyé par les
membres de l’administration avant d’être renvoyé de l’établissement
sans motif apparent. Mécontents du traitement subi par leur ami, des jeunes de
la localité entrent alors de force au lycée pour demander des explications au
proviseur sur ce qu’ils considèrent comme un abus d’autorité et une
injustice flagrante. Celui-ci ne les reçoit pas. De suite, il fait un rapport
détaillé à sa tutelle et convoque l’association des parents d’élèves.
Les parents se présentent et essaient de raisonner leurs enfants, leur
demandant de s’occuper un peu plus de leurs études et un peu moins du
mouvement des archs. L’administration du lycée leur fait signer une feuille
de présence. Elle va servir à d’autres fins. En fait, à leur insu, ils
venaient de parapher une dénonciation des agissements des lycéens impliqués
dans le mouvement des archs. Malaise. L’atmosphère à Tkout devient sourde de
révolte contenue. C’est dans ce climat délétère qu’intervient, quelques
jours après, un incident aussi grave que tragique.
Un jeune de Taghit est abattu à bout portant par la garde communale de son
propre village. À l’origine du drame : un menu larcin d’une affligeante
banalité. Deux jeunes gens, Chouaïb Argabi et son ami, Ali Remili, chapardent
quelques denrées alimentaires d’une épicerie de Ghassira. Ils vont cacher
leur maigre butin dans une petite palmeraie à Taghit même en se promettant de
revenir la nuit venue le récupérer en toute quiétude. À 22 heures, les
gardes communaux voient des mouvements suspects du haut de leur guérite.
Ils ouvrent le feu sans sommation, sans trop se poser de questions. Chouaïb
Argabi est mortellement touché. Son ami est indemne. Partie de Taghit, la
nouvelle de la bavure se répand dans les villages auressiens comme une
traînée de poudre. Le lendemain matin, au centre de Tkout, Selim Yezza, l’un
des délégués les plus en vue du mouvement des archs, anime un meeting où les
jeunes viennent en force. Il appelle à la solidarité avec leurs camarades de
Taghit. Aussitôt, des dizaines de jeunes prennent la direction de cette
localité. Arrivés là-bas, ils ferment la route à la circulation et exigent
le départ des gardes communaux. Un officier de la gendarmerie d’Arris arrive
sur les lieux et tente de parlementer. Le fait que le meurtrier soit d’Arris
et la victime de Taghit n’arrange guère les choses.
À ce niveau, d’autres considérations entrent en jeu. En effet, si le
meurtrier appartient au arch des Ath Daoud, la victime, elle, appartient au arch
des Beni Bouslimane et entre les deux tribus, il y a des contentieux vieux de
plusieurs années, voire des siècles. Des archs, le risque est grand de glisser
directement à l’arouchia.
à l’arrivée des militaires d’Arris, les gardes communaux sont désarmés
et cantonnés dans une mosquée tenue sous bonne garde. Vers 19 heures, les
jeunes de Tkout, Taghit et Ghassira investissent la petite caserne des gardes
communaux et sortent tout ce qui s’y trouve sur la chaussée avant d’y
mettre le feu. La route restera fermée jusqu’à 4 heures du matin. Les
militaires n’interviennent que pour calmer les esprits. La route est ouverte,
mais pas pour longtemps. Vers 13 heures, le commandant du secteur militaire
arrive, accompagné d’un colonel. Cet officier supérieur engueule
publiquement son capitaine, lui reprochant son laxisme, mais il parlemente avec
Selim Yezza. Mais le ton monte rapidement entre le colonel et le délégué des
archs qui n’échangent pas que des amabilités.
Très rapidement, “les gardes mobiles”, tels que les désignent les jeunes,
sont appelés en renfort. Ce sont ceux de Aïn Yagout et ils ont acquis leurs
galons dans la répression féroce des évènements de Kabylie. Leur réputation
n’est plus à faire. Un militant du RND avertit Selim Yezza et son ami, le
dénommé Abderrezak, qu’ils sont désignés comme étant les meneurs de la
contestation et qu’ils sont activement recherchés. Ils ont juste le temps de
fuir à travers l’oued Labiod, quelques minutes avant l’arrivée des
renforts. Les forces anti-émeutes, une fois sur place, ne font pas dans la
dentelle. Elles s’en donnent à cœur joie. Arrestations, courses poursuites,
passages à tabac et insultes en tous genres sont au programme. Des dizaines de
jeunes sont arrêtés et enfermés, soit à Tkout, soit à Ghassira. Vers 19
heures, ils font leur apparition à Tkout, à l’heure de la prière. Ils
tabassent et arrosent copieusement d’injures tous ceux qu’ils trouvent sur
leur chemin, y compris ceux qui sortent de la mosquée. Des domiciles sont
perquisitionnés. Violemment. Beaucoup de jeunes sont arrêtés alors que d’autres
ne trouvent leur salut que dans la fuite éperdue à travers les champs en
direction du maquis tout proche. Dans la caserne de gendarmerie se déroule un
autre rituel. Chaque nouvel arrivant a droit au même régime : on lui enlève
ses chaussures et sa ceinture avant le passage à tabac réglementaire.
Le lendemain matin, vers 10 heures, la chasse aux militants des archs repart de
plus belle. Dans la matinée, Athmani Nourredine, dit Nounou, est arrêté, son
ami Toufik Khellafi arrive à s’enfuir. Le soir, un quartier de Tkout, Tigheza,
est investi par les forces anti-émeutes. Une autre fournée de jeunes rejoient
les autres camarades qui croupissent déjà dans la caserne de gendarmerie. Ils
ont droit au même “traitement de faveur” fait de bastonnades et d’insultes.
Un militant du MDS est arrêté chez lui. Il a osé afficher un communiqué de
son parti pourtant dûment agréé. Tout le matériel de son cybercafé est
saisi. Aucune nouvelle n’a émané de lui jusqu’à présent. Mardi, les
jeunes de Tkout s’enfuient du village, chacun selon ses moyens. Destination
Alger, Batna, Biskra ou ailleurs. La répression féroce qui s’abat sur eux
les force à la clandestinité. Dans leur élan, les forces répressives ont
arrêté à tour de bras y compris d’anciens militants qui ont raccroché les
gants depuis dix ans et plus.
RÈGLEMENT
DE COMPTE OU BAVURE ?
La version que nous avons recueillie auprès des parents et des voisins de
Chouaïb Argabi à Taghit même apporte d’autres éclairages. Elle corrobore
la thèse d’un assassinat ciblé et prémédité plutôt que celle d’une
bavure. Chouaïb a 19 ans et il est chômeur comme la plupart des jeunes de
Taghit. Son père est un vieux fellah, pauvre mais digne. Avec son ami Ali
Remili, Chouaïb a chapardé quelques gâteaux et des jus de fruit d’une
boutique sise à Ghassira qu’ils vont ensuite planquer dans un bosquet situé
à mi-chemin entre la maison des Argabi et le cantonnement de la garde
communale. L’endroit est une source en contrebas de la route. Dans la
journée, une femme, qui va y puiser de l’eau, trouve un sachet noir contenant
des produits alimentaires. Elle informe son mari qui va de suite informer les
gardes communaux et du larcin et de son auteur supposé en désignant Chouaïb.
Vers 20 heures, dans la soirée du jeudi, Chouaïb sort de la maison et va s’acheter
des cigarettes au centre du village en compagnie de son ami. Sur le chemin du
retour, ils trouvent deux gardes communaux adossés au mur de leur caserne.
Trente mètres plus loin, ils descendent vers le lieu de leur cachette. Un
bosquet de lauriers roses d’où émergent deux palmiers. C’est également
une source très fréquentée par les villageois qui viennent y puiser de l’eau.
Deux sentiers caillouteux y mènent. Sur place, trois gardes communaux leur ont
tendu une souricière. En fait, une véritable embuscade. Il est 20h30, il fait
nuit, mais trois puissants projecteurs convergent leur lumière vers la scène
où va se dérouler le drame. Un garde tire sur Chouaïb à bout portant. Sans
sommation. À trois ou quatre mètres de distance, il lui loge 8 balles dans la
tête et dans le thorax. Sur les lieux que nous avons visités, une très grosse
flaque de sang coagulé témoigne de l’endroit où il est tombé. Son ami,
lui, est indemne mais il est en état de choc. Des villageois affirment avoir
entendu une voix rageuse qui criait : “Amar, arrête de tirer !”. Et le
dénommé Amar de répondre : “C’est bien Chouaïb qui est mort, n’est-ce
pas ?”. C’est l’un de ses collègues qui a arrêté le tireur en levant le
canon de son arme vers le ciel et en lui criant : “Habess ya âmar !”.
Pour chaque sortie sur le terrain ou embuscade, les gardes doivent avoir l’aval
des militaires. C’est le règlement. Dans ce cas précis, aucune autorisation
n’a été demandée. De plus, quand il s’agit de tendre une embuscade
à des terroristes, on n’y va pas à trois alors que la caserne de
Taghit compte, aux dires des habitants, 45 éléments. Tout indique qu’il s’agit
d’un règlement de compte prémédité. Après avoir ouvert le feu, les gardes
communaux ont laissé le mort sur place en écartant les curieux et sont allés
chercher les militaires cantonnés à Tighanimine. À 1 heure du matin, après
avoir fermé la route à la circulation, la dépouille du jeune Chouaïb est
emmenée à la morgue d’Arris puis à Batna. Le lendemain matin, près de 500
jeunes des villages environnants barricadent la route et réclament justice aux
autorités qui sont arrivées sur place.
Il y a là le chef de daïra de Tkout et le capitaine de la gendarmerie d’Arris.
Un ultimatum qui court de midi jusqu’à 19 heures leur est donné pour faire
partir les gardes communaux. L’ultimatum a expiré et aucune réponse ne
parvient des autorités. C’est le silence radio. Les jeunes investissent alors
le cantonnement des gardes communaux et sortent leurs effets sur la chaussée.
Leur colère augmente d’un cran lorsqu’ils découvrent du vin, des
préservatifs et des “cachets”. À ce stade, il convient de dire que les
gardes communaux n’étaient déjà pas en odeur de sainteté. Depuis leur
arrivée à Taghit voilà deux ans, la population les tient à l’écart. Ils
ont occupé le seul dispensaire de santé de la localité ; ce qui n’est pas
fait pour leur attirer des sympathies. De plus, on leur reproche des mœurs
incompatibles avec les traditions séculaires d’une région où la “horma”
n’est pas un vain mot. Les villageois que nous avons rencontrés nous disent
qu’entre Chouaïb et celui qui allait devenir son meurtrier, il y avait depuis
bien longtemps un différend relatif au comportement dénué de toute moralité
du garde. Autre point de discorde, une guérite a été élevée sur le toit de
la mosquée qui n’est séparée du cantonnement de la garde que par la route.
Ce poste de garde sur un lieu de culte ne pose pas de problème en lui-même,
mais le comportement des militaires qui l’occupent est vécu par tous comme un
sacrilège.
Le commandant du secteur militaire, à son arrivée, reconnaît la bavure. Trois
gardes avaient déjà pris la fuite en emportant leurs armes. Des camions
emmènent le reste du groupe à Ghouffi. Les jeunes croient le problème en voie
d’être réglé. Ils vont rapidement déchanter à l’arrivée des forces
anti-émeutes de Aïn Yagout. C’est une répression sans merci qui va s’ensuivre.
L’enterrement du jeune Chouaïb a lieu samedi vers le milieu de l’après-midi.
Il a fallu un véritable parcours du combattant pour faire sortir la dépouille
de l’hôpital de Batna. Suprême raffinement de cruauté pour une famille
touchée dans sa chair, il a fallu graisser la patte du laveur de mort, 400 DA,
pour qu’il fasse son office.
Une foule nombreuse a assisté à l’inhumation. L’emblème national
recouvrait le cercueil. Un emblème arraché de la caserne des gardes communaux.
Pas une seule autorité civile ou militaire n’a montré le bout de son nez.
Elles sont venues le mardi suivant pour réclamer le paiement des quittances de
Une célérité étonnante de la part d’autorités qui s’empressent de juger
les conséquences avant les causes et qui démontre une volonté de briser une
contestation populaire avant qu’elle ne prenne d’autres proportions. Les
habitants de Taghit nous racontent leur colère, leur dénuement et leur
pauvreté avec des mots empreints de beaucoup de dignité. Nous prenons congé d’eux
en leur promettant de revenir pour un reportage sur leurs dures conditions de
vie. Tout au long de la vallée de oued Labiod, Ighzer Amellal comme on l’appelle
ici, nous ne voyons que des vieux accroupis par terre, fumant le “aârâr”
et des femmes qui gardent les chèvres ou qui remontent des champs en ployant
sous le fardeau de leurs fagots de bois ou d’herbes sèches. À Batna, où
nous avons vainement essayé d’entrer en contact avec des militants entrés
dans la clandestinité, on organise des portes ouvertes sur
D. A
http://www.lematin-dz.net/quotidien/lire.php?idc=41&ida=19299#
Le
procès de 22 personnes détenues à Tkout a eu lieu hier
De lourdes peines prononcées
A.
C.
24-05-2004
De
lourdes peines ont été prononcées hier par le tribunal d'Arris à l'encontre
du premier groupe de personnes arrêtées lors des évènements de Tkout. Des
peines trop importantes, ont estimé les avocats des prévenus au regard de la
légèreté des accusations dont ils ont fait l'objet. Vingt-deux de ces jeunes
ont été condamnés à des peines allant de une année à trois mois de prison
ferme. Selon les chefs d'inculpation qui pesaient sur eux, ils ont été
divisés en deux groupes. Le premier composé de dix-huit personnes, dont le
frère de Salim Yezza, principal animateur du mouvement citoyen des Aurès et
accusé de trouble à l'ordre public, a écopé de peines allant de huit à six
mois de prison et de vingt millions de centimes d'amende. Le frère de Salim
Yezza, arrêté chez lui en compagnie de son père toujours détenu (il ne sera
relâché qu'après la reddition de son fils), a été, lui, condamné à trois
mois de prison ferme. Le second groupe, composé de quatre personnes et accusé,
entre autres, de coups et blessures et d'outrage à corps constitués, a
enregistré les peines les plus importantes : de huit mois à une année de
prison ferme. Les détenus avaient pourtant été disculpés du principal chef
d'accusation qui pesait sur eux, à savoir l'utilisation d'armes blanches. Le
procès, lui, s'est déroulé dans une ambiance très tendue au tribunal d'Arris
où se sont regroupées de nombreuses personnes, des proches et des amis des
détenus, surtout, privés du soutien et de la mobilisation de la population et
de toute la délégation des aârouch de Kabylie qui avait prévu de se
déplacer à cet effet. Belaïd Abrika et plusieurs de ses compagnons avaient
été refoulés la veille par un barrage dressé sur la route de Batna. Quelques
membres de cette délégation ont pu cependant se faufiler et assister au
procès. Les citoyens de Tkout qui désiraient, quant à eux, se déplacer sur
les lieux n'ont pas effectué le trajet en raison des renforts qui se sont
installés à la limite de la ville. Une ville où continue à sévir un climat
de terreur généré par une répression féroce des gendarmes suite aux
émeutes qui ont éclaté après l'assassinat du jeune Argabi Chouaïb par un
garde communal. Rappelons, enfin, qu'une soixantaine de personnes, parmi
lesquelles de nombreux délégués du mouvement citoyen des Aurès, détenues
dans la prison d'Arris dans des conditions effroyables, sera prochainement
jugée.
A. C.
http://www.lematin-dz.net/quotidien/lire.php?ida=19344&idc=41&taj=1&refresh=1
Un
jeune homme de Tkout témoigne
« Comment j'ai été torturé »
Les
langues commencent à se délier à Tkout. Un pas timide, mais résolu a été
franchi par certains de ses habitants pour dévoiler au grand jour les pratiques
immorales, inconcevables auxquelles ont été soumis des détenus après leur
arrestation par les gendarmes suite aux émeutes qui ont éclaté, il y a près
de dix jours, après l'assassinat de l'un des leurs, Argabi Chouaïb, sur lequel
un garde communal avait ouvert le feu. Des victimes de ces sévices avec
lesquelles nous avons pu prendre attache ont décidé de parler. En raison de la
situation qui prévaut à Tkout, les témoignages sont livrés sans les noms de
leurs auteurs. La plupart d'entre eux ne dépassent pas la vingtaine. La
majorité est mineure. Beaucoup ont hésité avant de décider à se confier à
leurs amis d'abord, puis aux délégués du mouvement citoyen des Aurès par
peur que les responsables de leur situation récidivent, par honte ensuite que
leurs proches, leur famille n'apprennent ce qui leur est arrivé.
Encore sous le choc, leur témoignage est livré par phrases entrecoupées, des
mots, parfois même des syllabes pour indiquer le début d'un terme qu'ils osent
à peine prononcer. « Plusieurs d'entre nous ont été embarqués de chez eux.
Il faisait nuit, la ville grondait encore de colère, de dégoût, du bruit des
bottes des gendarmes qui pourchassaient les manifestants. Une chasse qui se
déroulait tant à l'extérieur que dans les maisons. C'est à l'intérieur de
nos maisons que les gendarmes nous ont pris. Ils m'ont emmené avec d'autres
personnes, une dizaine environ Ils nous ont conduits chez eux (dans les locaux
de la gendarmerie) Ils m'ont donné des gifles, tabassé, voilà » La voix du
jeune homme, 21 ans, s'enroue. Il refuse d'en dire plus pour l'instant. « Et
les autres, que leur est-il arrivé ? » « Comme moi », répond-t-il sans
sembler vouloir donner d'autres indications. Un délégué du mouvement citoyen
des Aurès se tient près de lui. Il entreprend de le persuader de poursuivre
son récit pour que tous les algériens puissent enfin savoir ce qui s'est
passé à Tkout. « Ils ont pris tout le groupe et nous ont alignés après nous
avoir déshabillés. Ils nous ont demandé de nous pencher vers l'avant » Le
récit s'arrête de nouveau. Il semble avoir du mal à se remémorer les images
de ce qu'il a vécu. Les mots ont du mal à sortir. « Vous m'avez compris, je
n'ai pas besoin de vous expliquer ce qui s'est passé ensuite. » Le délégué
du mouvement veut le détendre : « Raconte-nous ce que tu as vu. » « Ils ont
tabassé tout le monde, ils ont torturé » Le jeune préfère arrêter son
récit. Un malaise visible l'envahit. Un autre prend le relais.
« La plupart ont été sodomisés, voilà la vérité. Beaucoup ont d'ailleurs
énormément de mal à reprendre le dessus. Mais la torture ne s'est pas
arrêtée là. Les jeunes arrivaient au fur et à mesure. Les gendarmes les ont
déshabillés et obligés à s'agenouiller. "A genoux, faites la
prière", lançaient-ils. Une fois à terre, ils se sont mis à les frapper
avec férocité à l'aide de leur matraque. Ils avaient un discours de haine
envers nous. Ils nous ont insultés, humiliés. La phrase qui revenait le plus
souvent était : "Vous détestez le régime et bien voilà."
S'ensuivaient alors des coups terribles portés sur tout le corps. Certains ont
eu les membres fracassés. Les gendarmes voyaient bien que le bras de l'un
d'entre nous était complètement flasque, mais ils se sont acharnés jusqu'à
lui casser complètement l'os. Le malheureux hurlait de douleur. Ils l'ont
laissé passer la nuit sur place puis l'ont relâché le lendemain. » Relâché
à titre de mineur comme la plupart des jeunes embarqués cette nuit-là. «
Certains sont sortis pratiquement défigurés, d'autres étaient complètement
balafrés, le reste avait du mal à marcher. » Il marque un temps d'arrêt. «
Vous savez, ce qui nous a fait le plus mal, ce sont ces menaces proférées par
les gendarmes selon lesquelles ils s'apprêtaient à aller violer nos mères et
nos surs. "Il n'y a plus d'hommes en ville maintenant, disaient-ils. vous
allez voir ce que nous allons faire à vos femmes." Nous ne connaissons pas
la vérité sur la suite réservée à ces menaces, les femmes ont peur de
parler. »
Ce sont à ces mineurs que l'opinion doit les informations concernant les
terribles conditions dans lesquelles ont été détenues la soixantaine de
personnes, parmi lesquelles une majorité de délégués du mouvement citoyen.
Et c'est une nouvelle fois grâce à eux que le silence a été rompu sur les
pratiques auxquelles se livrent les forces de l'ordre de Tkout pour venir à
bout d'une contestation qui n'est pas près d'en finir.
Abla Chérif
25-05-2004
http://www.lanouvellerepublique.com/actualite/lire.php?ida=12092&idc=4
lundi 31 Mai 2004
Conclave interwilayas tenu ce week-end à Sidi
Aïch
Sit-in, ce lundi, à
Arris et la réponse à l’offre de dialogue renvoyée à plus tard
Le conclave extraordinaire de l’interwilayas des ârchs de Kabylie qui s’est
tenu ce week-end dans un établissement scolaire de la localité de Sidi-Aïch,
relevant de la wilaya de Béjaïa, n’a pas tenu toutes ses promesses. En
effet, prévu initialement pour donner une réponse définitive à l’offre de
dialogue lancée par le chef du gouvernement Ahmed Ouyahia à partir des
tribunes des hémicycles de l’Apn et du Sénat, les animateurs des 9
délégations participantes n’ont finalement pas été jusqu’à épuisement
de ce point important à l’ordre du jour. Il faut dire que les divergences
entre les délégations étaient de taille sur cette question cruciale. Hormis
les délégués de
La majorité des participants voulaient faire durer le suspense au moment où
Et devant l’impossibilité de trouver un consensus, les animateurs des ârchs
ont préféré renvoyer la réponse à l’offre de dialogue d’Ouyahia au
prochain conclave interwilayas dont la date n’est pas encore arrêtée. L’autre
point, autour duquel les conclavistes ont aussi beaucoup palabré, était la
situation de crise survenue ces derniers quinze jours à T’kout, dans la
wilaya de Batna. Les délégués ont tous exprimé leur solidarité avec les
manifestants et les détenus de cette région chaouie, comme ils ont dénoncé
vigoureusement la répression qui s’est abattue sur les révoltés lors des
émeutes qui ont éclaté après l’assassinat du jeune Argabi Chouaïb par un
élément de la garde communale de la localité. Les délégués des
ârchs présents au regroupement ont décidé d’une action de solidarité et
de soutien avec les manifestants. Une délégation a été désignée pour se
rendre, ce lundi, à Arris pour observer un sit-in devant le tribunal où six
manifestants de T’kout devront comparaître. La délégation devra également
rencontrer les familles de la victime et des détenus pour leur exprimer le
soutien et la solidarité des ârchs. En fait, pratiquement rien de nouveau n’est
sorti de ce conclave sur lequel les populations de Kabylie ont fondé le grand
espoir de voir la crise trouver son issue. A noter enfin que ce conclave
interwilayas a regroupé 9 délégations venues de Bouira, de Boumerdès, de
Bordj Bou-Arréridj, de Batna, d’Alger, de Sétif, de Tizi Ouzou, de
Ouargla qui participe pour la première fois, et enfin Béjaïa où la rencontre
a eu lieu.
29-05-2004
A. Z.
http://www.lematin-dz.net/quotidien/lire.php?ida=19573&idc=41&taj=1&refresh=1
Alors
que les détenus de T'kout entament une grève de la faim
Marche des mères de T'kout
aujourd'hui
De
notre envoyé spécial à T'kout Nouri Nesrouche
Les prisonniers condamnés par la justice
suite aux émeutes de T'kout ont entamé hier une grève de la faim.
L'information est rapportée par les parents qui ont rendu visite à leurs
enfants incarcérés à la prison de Batna, mais sans donner de précisions
quant aux motifs exacts de cette décision si ce n'est le rejet et du verdict et
de la conduite du procès. Il s'agit des 21 personnes jugées le 24 mai dernier
par le tribunal d'Arris et qui ont écopé de peines allant de trois à douze
mois de prison ferme pour délit d'attroupement et de destruction de biens
d'autrui. Un procès qui s'est déroulé trop vite et qui s'apparente beaucoup
plus à une tentative menée par le Pouvoir de punir la sève du mouvement
citoyen de T'kout et fournir un exemple dissuasif pour l'ensemble des mouvements
de protestation qui éclatent un peu partout. La grève de la faim des
prisonniers de T'kout est un nouvel épisode dans le feuilleton des événements
qui secouent la région depuis deux semaines et devra booster la résistance qui
s'organise. L'inquiétude a changé de camp, en effet, à T'kout. Au moment où
la population reprend confiance et se regroupe autour du mouvement citoyen, le
maire et ses relais ainsi que les gendarmes ont été, quant à eux,
déstabilisés par la réussite de la grève générale décrétée lundi
dernier. Pendant que le procès des six jeunes inculpés dans les événements
se déroulait à Arris, les forces antiémeute de la gendarmerie avaient pris
position dans la ville. Elles avaient essayé par la suite de convaincre les
commerçants de reprendre leurs activités, en vain. Ceux-ci ont observé la
grève toute la journée et même le soir, à l'exception d'un des cafés de la
rue principale appelée El Bordj. « Le café des aârouch » - rebaptisé ainsi
parce qu'il accueillait les rencontres des membres de
N. N.
http://www.lexpressiondz.com/T20040603/ZA10-2.htm
LES
AURÈS DANS
les
Chaouis réclament...
De notre envoyé spécial S.M. Haouili - 03
juin 2004 - Page : 6
Fort longtemps bridés et enchaînés, les Aurès passent à la révolte.
La torpeur continue d’envahir l’atmosphère
des localités des Aurès-Nementchas. «La crise qui perdure dans cette vaste
contrée de l’est du pays a au moins le mérite de réhabiliter, en le faisant
émerger, un débat d’idées sans précédent dans son histoire. L’idée,
aujourd’hui, n’est pas que pure abstraction puisqu’elle a un prolongement
pragmatique immédiat : elle se paie chez nous, malheureusement de sa vie»,
dira le Dr.Dourari.
Dans la région des Aurès-Nementchas, plus précisément à Tkout et Taghit, la
jeunesse s’est élevée contre les autorités locales et réclame sa part du
«gâteau» qui n’est autre que la richesse de cette «mère
Algérie». A cette manifestation violente, la réponse est des plus
virulentes de la part des forces répressives dépêchées sur le terrain des
émeutes.
Beaucoup de jeunes se sont retrouvés devant les tribunaux et les peines
prononcées n’ont fait qu’accentuer le déphasage déjà existant entre ces
masses populaires paupérisées et cette «classe» d’administrateurs
et de notables qui s’enrichissent chaque jour. Quelques-uns de ces jeunes
montrés du doigt ont vite pris «le maquis» pour devenir ces
hors-la-loi. Des recherches sont en cours pour les retrouver et les traduire en
justice.
D’autres, par contre, moins chanceux dirions-nous, ont connu un autre sort.
Des condamnations à des années fermes ont été les verdicts prononcés à
leur encontre. Une parodie, digne des années où la cour de Constantine, en ce
temps colonial, a condamné par contumace ce grand révolutionnaire de cette
localité qui n’est autre que Mustapha Ben-Boulaïd. L’Histoire est-elle en
train de se répéter sauf que cette fois, les acteurs sont tous des Algériens.
Ainsi, l’image d’une justice - injuste dirions-nous - offre en filigrane «l’image
d’une justice dans sa perversité» qui veut dévaloriser le citoyen,
banaliser les assassinats, admettre la répression, absoudre les auteurs «parce
qu’ils représentent l’Etat, normaliser l’esprit d’une démarche
dictatoriale» et réduire par là, au silence, «toute opposition».
Dans ce contexte bien précis, les événements vécus par ces deux localités
des Aurès résument dans une large mesure, les contradictions sociales qui
minent notre société.
L’évolution de celle-ci est directement liée aux changements survenus sur la
scène politique et dont les implications drainent, un énorme déphasage entre
la «société civile» et la «société politique». Les Aurès,
Le temps de «la vache à traire», «de l’intervention du Trésor
public» arrive à sa fin et de nouvelles donnes sont apparues pour une
gestion des plus rationnelles de l’économique. Ce dernier demeure le moteur
de l’Histoire et c’est précisément dans cette sphère que «les
batailles de tranchées» se livrent.
Mais au-delà de cette «crise multiforme» mais «réelle», car
elle révèle au grand jour toutes les tares du système, les autorités du pays
sont sur place pour constater de visu et dresser un bilan exhaustif des lieux. L’information
véhiculée jusque-là, tend plus à amplifier ou à minimiser l’événement,
selon les bords défendus. Le chef du gouvernement reste la personnalité la «plus
pragmatique» et l’envoi d’une commission d’enquête sur le terrain
aura à clarifier toute la situation.
On est des oubliés...
A
On ne peut rester insensible à la désolation qui frappe de plein fouet ces
visages taciturnes qui attendent des lendemains qui chantent. Mais
malheureusement, l’attente a trop duré et cette manifestation ou cette
révolte est venue à point nommé pour que tous les regards pointent sur «cette
oasis» en plein massif aurassien. Nul doute que ce sursaut tient beaucoup
à cet orgueil qui caractérise le Chaoui que ce manque «de pain»
quotidien, surtout quand on sait que notre pays est riche et que cette richesse
prend des destinations occultes.
«On a trop attendu», dira ce vieil homme assis à même le sol devant
sa porte. Sa femme paraissant moins jeune, mais rattrapée par les années de
misère et levant les mains au ciel regrettant «sa naissance» car,
crie-t-elle «ma douleur c’est d’être ici, en ce bas-monde où la
misère est notre lot quotidien. On vit les affres d’une négligence des
autorités qui ne regardent que ces renards courtisans et qui sucent le sang des
autres.»
Plus loin, tout est misère où les «lambeaux» crapuleux d’une
mal-vie informent n’importe quel visiteur que Tkout et Taghit sont loin de l’image
que se fait le citadin de ces régions. Si le soleil accable toutes les forces
de travail, le froid nocturne ne permet nullement d’aspirer à une certaine
quiétude. On est là à attendre que «les secours arrivent !!!», dira
ce quinquagénaire. La survie dans cette contrée rocailleuse parsemée de
quelques mètres carrés de verdure est une lutte lente et déprimante. «On
ne peut dire que nous existons car beaucoup pensent que Batna est une localité
du nord du pays. Malheureusement, on est au sud. Ce Sud qui n’est pas
Hassi-Messaoud ou Hassi R’mel mais celui qui « vide » l’être humain de sa
substance pour devenir une loque», indiquera Yacine, fonctionnaire.
En effet, Arris et ses localités environnantes sont des «mots»
légendaires usuels au regard du tribut versé pour l’indépendance du pays.
Aujourd’hui, si le chef-lieu de daïra a connu un développement conséquent,
les hameaux qui l’entourent souffrent de cette misère accablante. L’investissement
est «une denrée rare».
Chaque jour que Dieu fait, on revoit la même image : «Celle de cette
personne chétive à la recherche d’un abri contre les rafales de ce vent
froid et du rayon de soleil qui vite brûlera les peaux». Oui! cette image
contrastée où la misère rampante gagne chaque jour, du terrain. Là, la
jeunesse est prise d’angoisse et d’amertume et cache mal son désarroi et sa
révolte. Cette dernière s’est manifestée par une violence, et quelle
violence!
Aujourd’hui, on parle de nous!
Quels que soient les châtiments encourus, «on a au moins cette satisfaction
que Tkout est sortie de l’anonymat», indiquera ce jeune, l’oreille
attentive à tout ce qui se dit. «Il faut vénérer cette jeunesse qui a
réussi à briser le tabou de la peur et défier les forces de l’ordre pour un
idéal plus valorisant et plus probant», signifiera Dalila, enseignante
dans une école primaire.
Pour notre part, cette «mini-révolution» a surpris plus d’un, car la
question est de savoir comment Tkout et Taghit ont pris conscience de ce mal
engendré par la gestion des responsables pour signifier par la violence le
refus d’abdiquer? Ainsi, n’a-t-on pas toujours appris que le moteur de l’Histoire
est la contradiction sociale entre les forces productives et ce capital?
Dans ce contexte et sur les lieux de la révolte, il est impératif de signaler
cet écart entre les deux catégories de personnes qui y vivent. L’une se
prélasse dans l’aisance, tandis que l’autre souffre et se console de son
sort. C’est cette dernière qui a décidé de renverser l’ordre établi en
réclamant haut et fort sa part, même minime, et qui consiste en un travail
simplement.
Ces laissés-pour-compte, ces ignorés de l’Histoire sont restés muets assez
longtemps. «Ils sont loin ces gueux», pensent les responsables qui sont
chargés de mettre au diapason toute la région. «Aucun mal ne viendra de
ces coins perdus», estiment ces pistonnés de l’administration.
En effet, personne dans les Aurès-Nementchas ne peut prévoir une telle
volonté de briser ce mur du silence. Ajouter à cette volonté, cette ardeur
qui a toujours animé ce Chaoui, «cet homme libre».
Malgré toute cette répression, qui, hier, était assimilée à la misère,
aujourd’hui, aux laissés-pour-compte de l’Histoire, le changement doit
intervenir au plus vite. Alger n’est pas les Aurès.
Cette révolte a eu ses martyrs et surtout quand on connaît le sentiment de
révolte, mais apparemment enfoui dans le coeur de cette famille martyrisée.
La jonction des uns et des autres
La référence est de taille. Partout, à l’échelle du pays, on bouge et on
fait trembler le pouvoir. La jonction et l’appropriation d’idées sont le
moteur de cette ébullition dont les conséquences sont toujours imprévisibles.
Le pouvoir central et les autorités locales sont pour des solutions extrêmes
à savoir : réprimer et déférer les jeunes et moins jeunes devant le juge. Ce
dernier pris dans l’étau du système n’a d’autre recours que d’appliquer
la loi. Là, peut-on dire que c’est la meilleure solution? La majorité des
analystes et spécialistes des études sociologiques répondront par la
négative.
En effet, depuis plus d’une décennie, on n’a pas cessé de parler d’un
vaste chantier de réformes surtout de l’administration, ce secteur en contact
direct avec le citoyen. Mais tout est resté au stade verbal.
Aujourd’hui, un élu du peuple (P/APC ou député), un chef de daïra ou plus
encore, un wali ont-ils tous les atouts en main pour répondre à la demande de
cette masse?
La politique caractérisée par l’expectative n’a engendré que des
contradictions qui se transforment en émeutes, en révolte et par la
prononciation de peines.
Là aussi, il faut revoir toute la politique des services d’ordre qui sont
envoyés sur le terrain pour réprimer et non pour prévoir. C’est eux qui
encaissent tous les coups pour «sauver un système en déliquescence».
Mis à part cette réalité, le retour à l’origine de l’organisation
sociale, à savoir la notion «d’arch» stimule plus d’un.
Cette formule a créé un certain sentiment au niveau des esprits pour s’affirmer
aujourd’hui comme une arme à double tranchant car elle réunit «tout le
monde derrière elle et permet la défense de toute la communauté», contre
cette «arrogance» du pouvoir.
Cette jonction d’idées et de modèle d’organisation font tache d’huile et
sa prise en considération par le pouvoir devient une nécessité. Demain,
peut-être, elle s’affirmera sur le terrain de la lutte malgré qu’elle soit
circonscrite aujourd’hui à certaines régions du pays.
Dans ce cadre, le mouvement citoyen des Aurès a lancé un appel «contre la
surenchère et la désinformation» dont certains font leur «dada»
mais appelle à «l’élargissement des détenus».
Longtemps confiné dans un rôle mineur, le citoyen des Aurès, de Kabylie, de
Ouargla, d’Adrar... s’érige contre toute pratique mafieuse et dénonce
cette passivité des responsables, quant à prendre en main les doléances du
citoyen.
Ainsi, les événements survenus à Arris symbolisent et traduisent toutes les
difficultés à entrer de plain-pied dans le développement, et les animateurs
et fondateurs de ce mouvement ont tenu «à rappeler le rôle de leur
structure, à savoir la défense de l’amazighité à laquelle ils veulent
donner ses trois dimensions identitaires dans le cadre d’une morale politique
et démocratique.»
Hier, c’était Tizi Ouzou et les wilayas limitrophes, aujourd’hui ce sont
les Aurès-Nementchas, avec Ouargla, Ghardaïa, Adrar...Qui pourra dire de quoi
demain sera fait?
http://abonnes.lemonde.fr/web/recherche_articleweb/1,13-0,36-367322,0.html
ENTRETIEN
Trois questions à
Mohammed Hachemaoui
LE MONDE | 03.06.04
Mohammed Hachemaoui, vous êtes politologue, allocataire de recherche au Centre d'études et de recherches internationales (CERI). Qu'y a-t-il de changé, à vos yeux, en Algérie ?
Je trouve le climat moral de plus en plus imprégné par des pratiques de corruption, la "tchipa", le pot-de-vin. Offrir des cadeaux à un fonctionnaire pour obtenir des passe-droits ou simplement pour pouvoir exercer ses droits, devient la norme et s'accompagne d'une forte dévalorisation du travail salarié. Le modèle de réussite est désormais le trabendiste (trafiquant), l'affairiste.
A l'échelle supérieure, on assiste à une reconversion lente de l'affairisme vers la politique. Des gros commerçants pensent qu'en entrant à l'Assemblée nationale, par exemple, ils se rapprochent des centres de pouvoir. Ils se posent en patrons, en intercesseurs, redistribuent des ressources, exercent la marchandisation du vote, etc.
Comment
réagit la présidence de
Le président Bouteflika joue de ce clientélisme. Il se pose en raïs, en chef suprême du "makhzen", ce système de diffusion du pouvoir et de redistribution des ressources. Cela n'est pas nouveau en Algérie. Il y a eu un "makhzen" à l'époque turque ainsi qu'à l'époque coloniale. Et cela correspond à l'imaginaire d'Abdelaziz Bouteflika, qui a vécu au Maroc. Mais ce clientélisme n'est pas capable de satisfaire les besoins de toutes les couches sociales.
Comment voyez-vous les cinq années à venir ?
Tout dépendra de la capacité du pouvoir à redistribuer les ressources. Le problème, c'est surtout les jeunes. Ils n'ont pas de cadre de représentation. Il n'y a pas de forces structurées, tels que partis politiques, syndicats, capables de leur inculquer une culture politique. Seuls restent la "houma" - le quartier, le stade, les réseaux marchands et l'émeute. Nous vivons dans une société de prédateurs, où chacun veut avoir sa part, tandis que grandit le sentiment d'impunité. Ceux qui échappent à cette tendance générale ne sont pas en mesure d'imposer une alternative à la société.
Propos recueillis par Florence Beaugé
ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU
04.06.04
http://abonnes.lemonde.fr/web/recherche_articleweb/1,13-0,36-367320,0.html
En Algérie, l'impatience
sociale se heurte au statu quo politique
LE MONDE | 03.06.04
Réélu il y a moins de deux mois avec 85 % des voix, le
président Bouteflika a reconduit un même gouvernement au programme identique.
Alors que des jacqueries ont repris dans le pays et que l'attente populaire est
immense, les opposants restent sonnés par leur défaite.
Alger de notre envoyée spéciale
La vie a repris son cours normal à Alger. Il est difficile de croire qu'une élection présidentielle s'est déroulée ici, il y a moins de deux mois, et qu'Abdelaziz Bouteflika a pu risquer de perdre le pouvoir. En présentant son programme, fin mai, aux députés puis aux sénateurs, Ahmed Ouyahia, le premier ministre, a parlé de "réconciliation nationale", d'accélération de "la transition vers l'économie de marché", de la création de "deux millions d'emplois" et d'"un million de logements". Un programme qui n'est guère nouveau.
L'homme de la rue, lui, ne retient qu'une chose : les caisses de l'Etat sont pleines comme jamais, grâce au pétrole ! Quarante et un milliards de dollars (près de 34 milliards d'euros)... La nouvelle donne des frissons. "J'ai calculé : ça fait 10 millions de dollars pour chacun d'entre nous ! raconte un étudiant, l'air gourmand. Ils ont intérêt à nous en faire profiter au plus vite !"
Le problème du président Bouteflika pourrait bien être celui-là. L'attente populaire est immense, or, pour l'heure, rien ne change à Alger. L'équipe gouvernementale a été reconduite, presque telle quelle, dans ses fonctions. Les principaux ténors sont toujours en place. Le statu quo semble devoir prévaloir. "Les Algériens ont opté pour la continuité. Pourquoi faudrait-il tout bousculer ?", dit-on à la présidence. Dans l'immédiat, on digère la victoire. A croire qu'il n'y a pas urgence.
"RAFFINEMENT"
Du
nord au sud et d'est en ouest, les jacqueries ont pourtant repris. Tkout, dans
les Aurès, Djelfa, à
Les principales figures de l'opposition restent pour l'instant tétanisées par les résultats de l'élection du 8 avril. Ali Benflis vient de regagner Alger, après un mois passé à l'étranger à se refaire une santé et panser ses blessures. S'il a été humilié par sa défaite (moins de 7 % des voix, selon les résultats officiels), le principal rival du président Bouteflika fait bonne figure. Il garde un silence de sphinx mais lâche tout de même qu'il "n'a pas perdu l'élection puisque tout a été fraudé".
Ahmed Taleb Ibrahimi, chef du parti Wafa (non agréé), préfère lui aussi se taire jusqu'en septembre. "En 1999, on m'avait privé d'une victoire certaine. Cette fois-ci, on m'a privé d'un contact avec le peuple", glisse cependant ce nationaliste apprécié de la mouvance islamiste, évincé de la compétition électorale par le Conseil constitutionnel, sans doute en raison du danger qu'il représentait.
Pour
tous ceux qui ont participé, de près ou de loin, à l'élection du 8 avril, "le
crime, cette fois, était presque parfait !", suivant l'expression de
Sid Ahmed Ghozali, leader du Front démocratique (non agréé), écarté comme
Taleb Ibrahimi de la compétition électorale. Tous soulignent que la mise en
scène de l'élection
Pourtant, ils en conviennent aisément : l'important n'est pas de déterminer l'ampleur de la fraude supposée mais de comprendre le mécanisme qui a pu donner l'illusion d'une élection libre. "On s'est fait berner. Jusque-là, l'élection présidentielle n'était qu'un rituel, destiné à ratifier un choix fait d'avance. On s'est cru, cette fois, partie prenante du changement. Le "deal" conclu entre le président et l'armée, la clé de l'énigme, je ne l'ai pas pour l'instant", reconnaît sans détour Mohamed Benchicou, directeur du Matin.
Ce journaliste à la plume acérée, qui a mené une campagne féroce contre le président Bouteflika, avoue qu'une question le taraude depuis le 8 avril au soir : "Pourquoi donc la hiérarchie militaire a-t-elle joué ce jeu malsain ?" S'il ne s'agissait que de crédibiliser l'élection, le commandement militaire n'avait pas besoin de s'impliquer à ce point dans la manœuvre, et publiquement, soutient M. Benchicou. Pour lui, l'armée vient de ruiner sa crédibilité, et c'est là la principale conséquence de ce jeu de poker menteur. "Nous, qui avions pris sa défense en de nombreuses circonstances, notamment dans le débat du "qui tue qui", nous voilà plein de doutes à présent. Que la hiérarchie militaire ne compte plus sur nous pour faire passer ses messages à présent !", fulmine-t-il.
"VAS-Y,
TU AS NOTRE APPUI !"
"Si on entre dans la logique du système, on se fait tôt ou tard piéger", analyse pour sa part Abdelhamid Mehri, ancien secrétaire général du Front de libération nationale (FLN) dans une claire allusion à Ali Benflis et à ceux qui l'ont soutenu. Pour cet homme respecté, "ceux qui étaient dans le secret des dieux étaient par définition peu nombreux. Certains n'ont jamais été dupes, d'autres l'ont été un moment. Quand ils ont compris le scénario, c'était trop tard. Il leur était difficile de faire marche arrière et d'avouer : "je me suis trompé"".
Le
scénario ? Il semble qu'il ait consisté, de la part de la hiérarchie
militaire, à souffler à presque tous les prétendants à la présidence de
Dès le mois de décembre 2003, cet homme du sérail avait refusé d'entrer dans la danse. Il avait compris que la sécurité militaire - "le principal parti politique d'Algérie", comme le qualifie Saïd Sadi, leader du parti kabyle Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) - avait déjà opté pour le président Bouteflika et qu'elle le laisserait employer tous les moyens pour se maintenir au pouvoir. "L'Algérie a inspiré Camus, ne l'oubliez pas. Il n'y a aucun doute : Sisyphe est algérien", sourit Mouloud Hamrouche, mi-amer, mi-résigné.
Dix soldats ont été tués et 16 autres blessés,
mercredi 2 juin, au cours de l'attaque la plus meurtrière subie par les forces de sécurité depuis le début de l'année, selon la radio publique algérienne. Le convoi a été pris en embuscade, en plein jour, par des rebelles armés sur une autoroute près de Bejaïa, en Kabylie. - (Reuters.)
Florence Beaugé
______________________________________________
M. Sarkozy en visite à Alger et Boumerdès
Le
ministre français des finances, Nicolas Sarkozy, doit effectuer, les vendredi 4
et samedi 5 juin, une visite en Algérie, axée sur les échanges commerciaux.
M. Sarkozy sera accompagné, entre autres, des PDG d'Alstom, de Bouygues, de Gaz
de France et de
M. Sarkozy devra visiter, notamment, la foire d'Alger, qui accueille 1 800 entreprises, dont 1 200 étrangères, parmi lesquelles 360 françaises. Il se rendra aussi à Boumerdès, la ville la plus touchée par le tremblement de terre du 21 mai 2003, qui avait fait près de 2 300 morts. Une convention de prêt de l'Agence française du développement devra être signée sur place, vendredi. - (AFP.)
ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU
04.06.04
http://www.humanite.presse.fr/journal/2004-11-24/2004-11-24-450547
Le Web de l’Humanité – 24
novembre 2004
En Algérie,
condamnations en série de journalistes
Inquiétude sur l’intensification
de la répression dans un pays qui fait encore figure d’exception au Maghreb
pour l’émergence de sa presse démocratique.
S’il y a une promesse que le
président Bouteflika a faite durant la campagne pour l’élection
présidentielle du 8 avril et qu’il a tenue, c’est bien de punir les
journalistes. Il avait, en effet, promis de combattre « les mercenaires de
la plume au nom de l’État et du peuple ». Ainsi, une fois terminé les
festivités commémorant le 50e anniversaire du 1er novembre 1954, les procès
contre les journalistes ont repris.
Le directeur du Matin - journal
absent des kiosques depuis juillet 2004 -, Mohamed Benchicou, qui purge une
peine de deux ans de prison ferme, a été de nouveau condamné le 16 novembre,
pour outrage au chef de l’État, à six mois de prison avec sursis et au
versement d’une amende de 2 500 euros. Le journaliste a été condamné pour
une chronique intitulée « La république de Fatiha Boualgua », du
nom de l’épouse du ministre de l’Intérieur Yazid Zerhouni. Quant à l’affaire
opposant le directeur du Matin et la journaliste Abla Chérif, au ministère de
Une semaine auparavant, le 10
novembre, six mois de prison ferme et 500 euros d’amende avaient été requis
contre Omar Belhouchet, directeur d’El Watan pour la publication d’un
article intitulé « Les armes par la poste », et trois mois de
prison ferme pour un second article, « La mafia de Tindouf »,
mettant en cause le maire de cette ville du sud-ouest algérien. Quant au
journaliste auteur de l’article, Lyes Bendaoud, le procureur a requis une
peine de 16 mois de prison ferme. Enfin, quatre journalistes du Soir d’Algérie
- dont le directeur de la publication, Fouad Boughanem - sont également
poursuivis pour « diffamation et outrage au président de
Les poursuites judiciaires sur
fond de condamnations à des peines de prison et de fortes amendes à l’endroit
des journalistes s’inscrivent dans cette politique de normalisation de la
société menée au pas de charge par le régime algérien depuis la récente
élection présidentielle. Cette volonté de faire rentrer dans le rang la
presse contredit les assurances du président algérien, affirmant dans un
message adressé aux journalistes en mai 2004 sa « détermination à
veiller à l’exercice, par tous, de la liberté d’expression en droite ligne
de la déclaration universelle des droits de l’homme ». Dans son
entreprise de mise au pas des journaux les plus critiques, le pouvoir politique
ne semble ni à court d’arguments ni à court d’idées. Dernière en date,
la décision annoncée par le ministre de
De façon générale, de
sérieuses menaces pèsent sur les libertés. Plusieurs syndicats autonomes et
leurs dirigeants, ainsi que des militants des droits de l’homme, sont soumis
à de fortes pressions policières et judiciaires, tandis que d’autres ont
été condamnés à la prison, comme c’est le cas des animateurs des
manifestations de protestation populaire de T’Kout (Aurès), de Ouargla et de
Ghardaïa dans le sud de l’Algérie.
Le plus curieux, c’est que le
président Bouteflika s’est prononcé, à l’occasion de l’anniversaire du
1er novembre 1954, sur une loi d’amnistie générale concernant les seuls
islamistes condamnés et ceux qui renonceraient au djihad. La mesure, accueillie
favorablement par une partie de la société, suscite néanmoins moult
interrogations, parmi lesquelles celle de savoir si cette amnistie sera étendue
aux syndicalistes, aux militants des droits de l’homme et aux journalistes
emprisonnés, ceux condamnés à de fortes amendes et ceux poursuivis
actuellement pour diffamation et qui risquent de lourdes peines.
« Verra-t-on Abderezak le para ou Hassan Hattab, chefs du GSPC (Groupe
salafiste pour la prédication et le combat) et les chefs du GIA coupables de
crimes sur des civils, se promener librement dans Alger, alors que des
journalistes et des militants associatifs demeureront en prison ? »,
s’interroge un militant des droits de l’homme. En attendant, les
harcèlements judiciaires à l’endroit de la presse et des journalistes se
poursuivent, tandis que des syndicalistes sont menacés de poursuites
judiciaires, sinon de licenciement. Et rien ne semble indiquer que le pouvoir
politique soit tenté par une politique d’apaisement envers la presse.
H. Z.