Ouled Rechache s’appelle toujours officieusement Zoui

 

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Liberté

Accusé d’avoir manipulé les émeutiers à Khenchela
Un Ex-Sénateur en prison
Notre envoyer spécial Mourad Kezzar Lu (1206 fois)

Amar Haïta, ex-sénateur RND, serait derrière la diffusion du tract qui a enflammé la jeunesse locale qui s’en était pris aux édifices publics.
Hier, à quelques heures de la prière du vendredi, la “tension” dans la localité ressemblait à celle qui règne en temps normal dans n’importe quelle bourgade de l’arrière-pays en ce jour férié qu’on qualifie, à tort ou à raison, de “lourd”. Trois jours après les émeutes qui ont causé la destruction d’édifices publics, des affrontements entre quelque 300 émeutiers et autant de policiers, le maire sirotait, comme monsieur tout-le-monde, son thé sur la terrasse du café limitrophe au siège de l’APC dont le portail porte toujours les séquelles d’une tentative ratée de son “déboulonnement”.
Des gendarmes et des policiers, en tenue de sortie estivale, déambulaient sans la moindre gêne dans les ruelles poussiéreuses de la ville.
Toutes les traces extérieures de la violence de mardi soir ont disparu. On se croirait plutôt dans un univers kafkaïen.
Les événements de la nuit du mardi à mercredi derniers, les Zouis — Ouled Rechache s’appelle toujours officieusement Zoui — vous parlent mais sans passion comme s’ils ont, par une quelconque magie, effacé de leur mémoire des événements récents de trois jours. Pourtant, il y a eu casse, interpellation et surtout celle d’un ex-sénateur issu de la puissante tribu des Chaouia, les Nememcha. 
Pour un élu local, tout a commencé mardi, tard dans la soirée, plus précisément aux coups de 21h 15. Après un premier rassemblement au milieu de la ville où se trouve le siège de la mairie, le feu a été mis à une dizaine de pneus. “Ils étaient près de 300 jeunes dont la moitié a tenté de prendre d’assaut le siège de la mairie avant de changer d’avis pour se diriger vers le siège de la sûreté de daïra.” Ce dernier se trouve en face de l’hôtel de ville, à la lisière d’une ruelle perpendiculaire à la route nationale.
Toujours selon notre source, dissuadée par les policiers, la foule s’est ensuite rabattue sur le siège de la recette communale des impôts, située du même côté de la chaussée que le commissariat de police.
Il était 19h 30 quand le portail de la bâtisse céda devant l’acharnement des émeutiers. Une fois à l’intérieur du siège constitué d’un seul étage, ces derniers s’en prennent alors aux deux gardiens qui s’y trouvaient et qui avaient préféré prendre le risque de calmer les esprits que celui de prendre la poudre d’escampette. Après avoir malmené les deux gardiens, une partie du mobilier a été saccagé. “C’est à ce moment que des notables locaux ont accouru pour apaiser les esprits et épargner le pire au siège de la recette et aux deux gardiens en service cette nuit-là”, nous a expliqué un riverain qui a craint, cette nuit-là, le pire.
Selon une personnalité locale ayant pris part à ces tentatives d’apaisement et ayant requis l’anonymat, “alors qu’on croyait que la foule s’était dispersée, un mot d’ordre a été donné pour que l’émeute reprenne”. La marrée humaine a pris alors la direction sud, vers Tébessa, pour déverser sa colère sur le nouveau siège de l’antenne de Sonelgaz, opérationnelle depuis seulement 15 jours. Il a été déjà saccagé lors des précédentes émeutes.
C’est à ce moment-là que les renforts de brigades anti-émeutes, dépêchés de Khenchela, sont arrivés sur les lieux.  Après avoir dispersé les émeutiers, durant une partie de la nuit, et procédé aux premières interpellations, les forces de sécurité ont récupéré, des maquis proches de la ville, plusieurs équipements dérobés du siège de la Sonelgaz par des jeunes qui ont profité de la confusion qui a accompagné les émeutes.
Mercredi, en fin de journée, le nombre des interpellations effectuées s’élevait à 20. Hier, 17 personnes étaient toujours en détention. Selon une source judiciaire locale, un malade, souffrant d’asthme ainsi que deux mineurs ont été relâchés quelques heures avant notre arrivée dans la localité.
Parmi les détenus, se trouve, et fait unique, un ex-sénateur, qui a quitté l’hémicycle de Zighoud-Youcef lors du dernier renouvellement. Il s’agit de Haïta Amar, d’obédience RND.
Ce dernier, selon une source proche des enquêteurs et qui a requis l’anonymat, est accusé d’être le principal meneur des émeutes. On l’accuse d’être derrière les tracts diffusés parmi les jeunes de la localité et dénonçant “le détournement de 900 milliards de centimes dégagés par l’Union européenne pour venir en aide à la commune de Ouled Rechache, en sa qualité de l’une des 12 communes les plus pauvres du pays”.
Des proches de l’ex-sénateur parlent, eux, de cabale montée contre “le sénateur” en guise de représailles. Ce dernier, considéré comme l’un des dissidents du RND, aurait fait campagne pour Ali Benflis lors de la dernière présidentielle tout en prenant part à une tentative de dissidence dans la famille du RND.
À Ouled Rechache, si l’opposition de l’ex-sénateur Haïta à la ligne de la direction du RND est un secret de Polichinelle, son accusation d’être derrière les émeutes de mardi dernier est différemment interprétée par les Zouis. 
Pour les uns, c’est à la justice et à elle seule de trancher la question. Pour d’autres, comme Ammar, un universitaire chômeur qui reconnaît avoir pris part aux premiers regroupements tout en jurant n’avoir pas participé aux actes de violence, insinue : “Il n’y a pas de fumée sans feu !”
Il explique : “On est allé à la mairie pour vérifier la véracité du contenu du tract. Or, d’autres jeunes n’avaient qu’une préoccupation : en découdre avec le fisc comme si, en leur qualité de chômeurs, ce dernier a une quelconque relation directe avec leur malheur.”
Un ami à lui, commerçant de son état, appuie son témoignage quand il affirme, tout en sollicitant l’anonymat : “Au niveau de l’immeuble des impôts, on a réussi à calmer les jeunes mais, une fois que ces derniers se sont retrouvés sur l’artère principale, leur effervescence a repris de plus belle comme si une main invisible avait rallumé l’étincelle.”
Harcelé pour donner plus de détails, il nous lance, tout en prenant congé de nous presque en petite foulée : “Eli oualef alla el-benna amrou ma yathana” (celui qui a pris goût à la vie de la cour ne se résignera jamais).
 À l’heure de la prière, nous quittons Zoui, cette bourgade égarée à 28 kilomètre au sud de Khenchela, dont le nom est désormais plus rattaché aux émeutes qu’à la qualité de ses viandes ovines et de sa pastèque.
Nous laissons derrière nous des champs de blé ravagés par la rouille et une population tourmentée par une question qu’on chuchote entre Nememchis : “Y a-t-il vraiment des escadrons des émeutes à Zoui ?”

M. K

 

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La Nouvelle République , 04-05-15

Des édifices publics saccagés à Ouled-Rechache et à Khenchla
23 personnes interpellées dont un ex-député

Des dizaines de jeunes en colère ont saccagé l'agence SONELGAZ et la recette communale dans la commune des Ouled-Rechache, distante de 26 km du chef-lieu de la wilaya de Khenchla. Selon des témoignages, l'origine de cette émeute est une rumeur qui a circulé dans cette petite ville faisant état du détournement d'une aide financière de l'Union européenne par certaines personnes de cette région. Comme à leur habitude, les émeutiers ont profité de la nuit pour bloquer les routes à l'aide de grosses pierres et en brûlant des pneus, avant de s'attaquer aux édifices de l'Etat. Les manifestants ont totalement brûlé, l'agence Sonelgaz et le siège de la recette communale allait connaître le même sort n’était l'intervention des services de sécurité qui ont pu repousser intelligemment les agresseurs sans faire de blessés. Le chef de l'exécutif, accompagné des autorités locales, se sont rendus sur les lieux et ont convaincu les manifestants de rentrer chez eux tout en leur promettant de prendre en charge leurs doléances, à savoir l'ouverture d'une enquête quant au détournement cité plus haut. Le lendemain, et toujours au cours de la nuit, des dizaines de personnes ont attaqué l'hôpital civil, dont les urgences, détruisant portes, fenêtres, matériel et le poste de police se trouvant à l'intérieur. Des sources sures indiquent que c'est suite à l'admission d'un citoyen dans un état grave au service des urgences pour un malaise cardiaque et l'indisponibilité d'un cardiologue que la situation a dégénéré. Après ces graves incidents, nous avons appris que 23 personnes ont été interpellées par les services de sécurité, et parmi eux un ex-député.
Des citoyens, avec qui nous avons pris attache, n'ont pas manqué de déclarer que les jeunes manifestants ont été manipulés par des personnes bien connues au niveau de la wilaya. «Que l'opinion publique et les autorités sachent que nous en avons marre de ces émeutes qui prennent, à chaque fois pour cible, les édifices de l'Etat et les biens d'autrui». Nous avons repris les déclarations de plusieurs citoyens qui n'ont pas manqué d'interpeller le pouvoir pour prendre les mesures nécessaires afin d’ éradiquer ce fléau qui devient le quotidien de la population des la région de Khenchla. Les mêmes citoyens ont évoqué les émeutes de juin 2001 au chef-lieu de wilaya de Khenchla et aussi l'attaque de la brigade de gendarmerie des Ouled Rechache qui, dans le passé, ont connu le même scénario sans que les meneurs et les casseurs, à l'époque, ne soient punis. Les sages de Khenchla rendent hommage aux services de sécurité qui ont su intervenir avec sagesse, condamnent ces actes de violence et déclarent que «l’impunité est un signe d'encouragement pour les fauteurs de trouble qui n'attendent qu’une étincelle venant d'une mosquée, d'une rencontre de football où d'un incident pour provoquer des émeutes et s'attaquer aux édifices publics».

15-05-2004
Moncef Redha

 

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La culture de l’émeute
Par N. Sebti Lu (661 fois)

On se demande d’ailleurs à quoi sert-il d’avoir un bas de laine de 40 milliards de dollars, que le grand argentier du pays exhibe comme un trophée, quand la grogne des sans-culottes monte dansla rue ?

D’aucuns se surprenaient à croire, qu’après l’élection présidentielle, l’Algérie ressemblerait, on ne sait par quelle opération du Saint-Esprit, à ce mythique pays de Cocagne, où tout irait pour le mieux et dans le meilleur des mondes. Illusion perdue. Le pays offre, au contraire, aujourd’hui, l’image d’un vaste champ de mines, où les émeutes éclatent, les unes après les autres. Djelfa, Khenchla, Ouargla, Adrar, Bordj, Sidi-Aïch… Autant de villes de ce pays profond, où la population a fait parler la rue, ces derniers jours. Pour un moindre grief, mais souvent à juste raison, les citoyens, ivres de colère, déversent leur rage en s’en prenant aux édifices de l’État.
Comme dans une sorte d’exorcisme cathartique. La récurrence de ces actes de violence à ciel ouvert signifie-t-elle que nous sommes installés dans une culture de l’émeute ? Le phénomène, tel qu’il se manifeste depuis quelque temps, en a toutes les apparences. Et c’est normal, quand les cadres du dialogue social sont inexistants, les canaux d’intermédiation entre les citoyens et leurs élus, dont la seule hantise est de s’en mettre plein les poches avant la fin du mandat, sont bouchés à l’émeri. Ce serait un grave mépris de la part des pouvoirs publics de faire une mauvaise lecture de ces émeutes, en les considérant comme des poussées de fièvre sans lendemain.
Le Chef du gouvernement, en particulier, doit y prêter une attention soutenue, d’autant que le président de la République , lors de sa campagne électorale, s’était engagé à faire du social une de ses priorités. On se demande d’ailleurs à quoi sert-il d’avoir un bas de laine de 40 milliards de dollars, que le grand argentier du pays exhibe comme un trophée, quand la grogne des sans-culottes monte dans la rue ? “L’Algérie risque de s’enliser dans une rébellion généralisée, très dangereuse pour le maintien de l’unité nationale, déjà très fragilisée par une dizaine d’années de violence et de terreur”, mettait dernièrement en garde le sociologue Rachid Tlemçani. Avertissement pour le pouvoir.
Et si un homme avertit en vaut deux, un chef d’État, qui plus est, a fait des promesses mirifiques, en vaut trente-six.
N. S.

http://abonnes.lemonde.fr/web/recherche_resultats/1,13-0,1-0,0.html?query=alg%E9rie&query2=&booleen=et&num_page=2&auteur=&dans=dansarticle&periode=30&ordre=pertinence&G_NBARCHIVES=827815&nbpages=10&artparpage=10&nb_art=95

Le Monde

Maghreb

En Algérie, l'impatience sociale se heurte au statu quo politique

ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 04.06.04

Réélu il y a moins de deux mois avec 85 % des voix, le président Bouteflika a reconduit un même gouvernement au programme identique. Alors que des jacqueries ont repris dans le pays et que l'attente populaire est immense, les opposants restent sonnés par leur défaite

Moins de deux mois après l'élection présidentielle qui a vu le président BOUTEFLIKA réélu avec 85 % des voix, le statu quo prévaut à Alger. Le gouvernement a été reconduit et son programme reste le même. « Les Algériens ont opté pour la continuité, pourquoi tout bousculer ? », s e défend la présidence. Dans plusieurs villes du pays, des JACQUERIES ont repris, signe d'une impatience populaire grandissante. Les candidats et partis d'opposition ne font pas entendre leur voix, encore sonnés par l'ampleur de leur défaite et par un processus électoral qu'ils estiment avoir été MANIPULÉ de bout en bout par l' ARMÉE. Ali Benflis envisage de poursuivre une action politique. Pour le politologue Mohammed Hachemaoui, l'Algérie est devenue « une société de prédateurs » où « L'AFFAIRISME » se reconvertit lentement dans la politique.

La vie a repris son cours normal à Alger. Il est difficile de croire qu'une élection présidentielle s'est déroulée ici, il y a moins de deux mois, et qu'Abdelaziz Bouteflika a pu risquer de perdre le pouvoir. En présentant son programme, fin mai, aux députés puis aux sénateurs, Ahmed Ouyahia, le premier ministre, a parlé de « réconciliation nationale », d'accélération de « la transition vers l'économie de marché », de la création de « deux millions d'emplois » et d '« un million de logements ». Un programme qui n'est guère nouveau.

L'homme de la rue, lui, ne retient qu'une chose : les caisses de l'Etat sont pleines comme jamais, grâce au pétrole ! Quarante et un milliards de dollars (près de 34 milliards d'euros)... La nouvelle donne des frissons. « J'ai calculé : ça fait 10 millions de dollars pour chacun d'entre nous ! raconte un étudiant, l'air gourmand. Ils ont intérêt à nous en faire profiter au plus vite ! »

Le problème du président Bouteflika pourrait bien être celui-là. L'attente populaire est immense, or, pour l'heure, rien ne change à Alger. L'équipe gouvernementale a été reconduite, presque telle quelle, dans ses fonctions. Les principaux ténors sont toujours en place. Le statu quo semble devoir prévaloir. « Les Algériens ont opté pour la continuité. Pourquoi faudrait-il tout bousculer ? », dit-on à la présidence. Dans l'immédiat, on digère la victoire. A croire qu'il n'y a pas urgence.

« RAFFINEMENT »

Du nord au sud et d'est en ouest, les jacqueries ont pourtant repris. Tkout, dans les Aurès, Djelfa, à 300 kilomètres au sud de la capitale, Ghardaïa et Adrar, dans le Grand Sud, font partie des localités qui se sont embrasées dans le courant de mai, l'espace de deux ou trois jours, parfois plus. Chômage, logement, « hogra » (abus de pouvoir) sont toujours à l'origine de ces brusques explosions de colère. Les jeunes se comportent en hooligans, dans la rue et les stades.

Les principales figures de l'opposition restent pour l'instant tétanisées par les résultats de l'élection du 8 avril. Ali Benflis vient de regagner Alger, après un mois passé à l'étranger à se refaire une santé et panser ses blessures. S'il a été humilié par sa défaite (moins de 7 % des voix, selon les résultats officiels), le principal rival du président Bouteflika fait bonne figure. Il garde un silence de sphinx mais lâche tout de même qu'il « n'a pas perdu l'élection puisque tout a été fraudé ».

Ahmed Taleb Ibrahimi, chef du parti Wafa (non agréé), préfère lui aussi se taire jusqu'en septembre. « En 1999, on m'avait privé d'une victoire certaine. Cette fois-ci, on m'a privé d'un contact avec le peuple », glisse cependant ce nationaliste apprécié de la mouvance islamiste, évincé de la compétition électorale par le Conseil constitutionnel, sans doute en raison du danger qu'il représentait.

Pour tous ceux qui ont participé, de près ou de loin, à l'élection du 8 avril, « le crime, cette fois, était presque parfait ! », suivant l'expression de Sid Ahmed Ghozali, leader du Front démocratique (non agréé), écarté comme Taleb Ibrahimi de la compétition électorale. Tous soulignent que la mise en scène de l'élection 2004 a atteint « un degré de raffinement » jamais égalé. S'ils ne contestent pas la victoire du président sur le fond, ils se disent « stupéfaits » des 85 % des voix accordés au président Bouteflika. « 55 % au premier tour, à la rigueur, oui. Mais impossible que le président ait pu obtenir davantage », soulignent-ils, unanimes.

Pourtant, ils en conviennent aisément : l'important n'est pas de déterminer l'ampleur de la fraude supposée mais de comprendre le mécanisme qui a pu donner l'illusion d'une élection libre. « On s'est fait berner. Jusque-là, l'élection présidentielle n'était qu'un rituel, destiné à ratifier un choix fait d'avance. On s'est cru, cette fois, partie prenante du changement. Le «deal» conclu entre le président et l'armée, la clé de l'énigme, je ne l'ai pas pour l'instant », reconnaît sans détour Mohamed Benchicou, directeur du Matin.

Ce journaliste à la plume acérée, qui a mené une campagne féroce contre le président Bouteflika, avoue qu'une question le taraude depuis le 8 avril au soir : « Pourquoi donc la hiérarchie militaire a-t-elle joué ce jeu malsain ? » S'il ne s'agissait que de crédibiliser l'élection, le commandement militaire n'avait pas besoin de s'impliquer à ce point dans la manoeuvre, et publiquement, soutient M. Benchicou. Pour lui, l'armée vient de ruiner sa crédibilité, et c'est là la principale conséquence de ce jeu de poker menteur. « Nous, qui avions pris sa défense en de nombreuses circonstances, notamment dans le débat du «qui tue qui», nous voilà plein de doutes à présent. Que la hiérarchie militaire ne compte plus sur nous pour faire passer ses messages à présent ! », fulmine-t-il.

« VAS-Y, TU AS NOTRE APPUI ! »

« Si on entre dans la logique du système, on se fait tôt ou tard piéger », analyse pour sa part Abdelhamid Mehri, ancien secrétaire général du Front de libération nationale (FLN) dans une claire allusion à Ali Benflis et à ceux qui l'ont soutenu. Pour cet homme respecté, « ceux qui étaient dans le secret des dieux étaient par définition peu nombreux. Certains n'ont jamais été dupes, d'autres l'ont été un moment. Quand ils ont compris le scénario, c'était trop tard. Il leur était difficile de faire marche arrière et d'avouer : «je me suis trompé» ».

Le scénario ? Il semble qu'il ait consisté, de la part de la hiérarchie militaire, à souffler à presque tous les prétendants à la présidence de la République : « Vas-y, tu as notre appui ! » Ali Benflis y a cru. Les autres aussi, à des degrés divers. Seul Mouloud Hamrouche, ancien chef de gouvernement et ancien militaire, a déjoué la manoeuvre.

Dès le mois de décembre 2003, cet homme du sérail avait refusé d'entrer dans la danse. Il avait compris que la sécurité militaire - « le principal parti politique d'Algérie », comme le qualifie Saïd Sadi, leader du parti kabyle Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) - avait déjà opté pour le président Bouteflika et qu'elle le laisserait employer tous les moyens pour se maintenir au pouvoir. « L'Algérie a inspiré Camus, ne l'oubliez pas. Il n'y a aucun doute : Sisyphe est algérien », sourit Mouloud Hamrouche, mi-amer, mi-résigné.

Florence Beaugé

 

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Ouled Rechache
La répression dans l'ombre

Nouri Nesrouche
14-06-2004
Le jour même du procès des détenus de T'kout, reporté par la cour d'appel de Batna au 20 juin prochain, 11 manifestants de la commune d'Ouled Rechache connaîtront les suites de leur pourvoi en cassation à Oum El Bouaghi. Plusieurs parmi eux ont été condamnés à 18 mois de prison ferme pour les mêmes motifs, c'est-à-dire trouble à l'ordre public, attroupement et destruction des biens de l'Etat. Griefs réservés désormais à tous les manifestants de l'Algérie de l'après-8 avril.
Les procès se suivent et se ressemblent et les peines infligées aux auteurs et surtout aux meneurs de mouvements de
protestation sont d'une rare gravité. Comme l'a si bien exprimé Ouyahia, la récréation est terminée. La couleur est ainsi annoncée. Soit. Mais à voir le nombre de foyers de tension qui éclatent chaque jour et la mobilisation de plus en plus organisée tout autour, la logique implacable du Pouvoir et ses choix impénitents semblent ne produire que l'effet inverse.
Le scénario de la Kabylie se répète. Ouled Rechache (Zoui pour ses habitants), situé à 25 km du chef-lieu de la wilaya de Khenchela, a subi le bâton pendant la première semaine de mai, quelques jours avant le soulèvement de T'kout. Une vague d'arrestations conduite sur le même modèle violent et méprisant, dans les rangs des militants berbéristes et de simples chômeurs, avait mis fin à cette première manche dans le face-à-face entre la population et son maire redresseur, soutenu par les autorités de la wilaya. La cause :
9 milliards de centimes accordés à la commune dans le cadre d'un programme spécial de l'Union européenne destiné au développement des régions pauvres. Pendant la période électorale, les politiques ont tenté d'acheter le vote de la population pour Bouteflika en faisant miroiter les plus belles promesses pour transformer la commune en un paradis grâce à cet argent. Résultat : 40 % de vote seulement, ce qui est loin et même très loin des 100 % espérés par les puissants serviteurs d'El Mouradia
Il n'en fallait pas plus pour punir la population en la privant de l'aide. Réaction pour réaction, l'émeute a éclaté et provoqué la répression et les règlements de comptes contre des éléments inscrits sur une longue liste et désignés comme étant d'impavides opposants à mater. La machine judiciaire a pris le relais et loin des feux de l'actualité, le jugement était sans pitié.
Nouri Nesrouche

 

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Affaire Ouled Rechach
Un an de prison ferme pour les 20 émeutiers
  

C. Mechakra
21-06-2004
De notre bureau de Constantine
La cour d'appel d'Oum El Bouaghi a rendu son verdict dans l'affaire des évènements d'Ouled Rechach (Khenchela), dimanche tard dans la soirée, soit peu après 22 h. Les 20 accusés ont ainsi écopé d'une année de prison ferme y compris l'ex-député Hita Amara contre lequel un mandat d'arrêt a été lancé au cours du prononcé du verdict. Le président de séance a donc suivi le réquisitoire du procureur de la République qui avait demandé la délivrance d'un mandat de dépôt à l'encontre de Hita Amara accusé d'incitation à attroupement non armé.
Choqués, les avocats ne se remettaient pas de la sévérité d'une telle condamnation basée, selon la majorité d'entre eux, sur des doutes, des suspicions et dans tous les cas sans aucune preuve matérielle telle qu'exigé par l'article 407 du code de procédure pénale pour qualifier le délit d'« incitation à attroupement ».
L'ex-parlementaire, qui n'a pas attendu le prononcé du verdict, a donc échappé à une arrestation immédiate, mais il est certain qu'il sera procédé à son arrestation dans les heures qui viennent.
Pour rappel, les faits reprochés aux 20 accusés remontent à la nuit du 11 au 12 mai 2004, au cours de laquelle des émeutes ont éclaté dans la commune de Ouled Rechach engendrant la destruction totale du siège de la Sonelgaz et des dégâts de moindre importance à la recette des contributions diverses.
Les jeunes de Ouled Rechach protestaient ainsi contre la dilapidation d'un prétendu pactole de 9 milliards de centimes accordé au titre d'une aide européenne aux communes déshéritées. Faute d'interlocuteur, ils ont dû recourir à l'émeute pour se faire entendre.
C. Mechakra